Haïti/Indépendance: 22 Août 1791, Insurrection des esclaves à Saint-Domingue
Dans la nuit du 22 au 23 août 1791 éclate une violente insurrection à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Esclaves noirs et affranchis revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs. C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de l’île.
Une prospérité compromise
De son nom officiel «côtes et îles de Saint Domingue en l’Amérique sous le vent», la colonie est, avant la Révolution, la plus prospère des possessions françaises d’outre-mer grâce à ses plantations de café et de canne à sucre et à ses nombreux esclaves.
La colonie compte près de 600.000 habitants, dont 40.000 affranchis, essentiellement des mulâtres, et 500.000 esclaves noirs régis par le Code noir. Les affranchis n’ont pas les mêmes droits que les colons mais bénéficient d’une certaine aisance et sont parfois même propriétaires d’esclaves.
Le sort de l’île est bouleversé par la Révolution française. Le 15 mai 1791, à Paris, l’Assemblée nationale accorde timidement le droit de vote à certains hommes de couleur libres. Cette demi-mesure inquiète les colons blancs de Saint-Domingue qui songent à proclamer leur indépendance pour préserver leur île des idées séditieuses venues de Paris. Elle ne satisfait pas davantage les affranchis, qui, tel François Ogé, réclament une véritable égalité de droit avec les colons.
Affranchis mulâtres et colons blancs commencent à s’affronter, n’hésitant pas à associer leurs esclaves noirs à leurs querelles.
Un combat pour la liberté et l’égalité
Des nègres marrons (ainsi appelle-t-on les esclaves qui ont fui les plantations et se sont réfugiés dans les forêts) en viennent à revendiquer l’abolition de l’esclavage au cours d’une cérémonie vaudou au Bois-Caïman, près de Morne-Rouge, sous la direction d’un prêtre vaudou, Boukman, le 14 août 1791. Cette revendication débouche sur une insurrection dans la nuit du 22 au 23 août 1791, avec le fameux Boukman entouré de ses lieutenants Romaine le prophète, Hyacinthe, Georges Biassou, Jean-François.
Des centaines de sucreries et de caférières (plantations de café) sont détruites. Les Blancs eux-mêmes sont massacrés par centaines. C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de la prospère colonie.
Les insurgés noirs ne tardent pas à recevoir le soutien des affranchis, irrités que les représentants de l’Assemblée nationale aient fait exécuter plusieurs d’entre eux, dont le célèbre François Ogé.
Les premiers combats révèlent les talents militaires d’un cocher de 48 ans nommé François Toussaint. Fils d’un Africain du Bénin, il a reçu une éducation sommaire. Affranchi quinze ans plus tôt, en 1776, il a pu acquérir une propriété de 13 hectares et vingt esclaves !
Lorsqu’éclate l’insurrection, François Toussaint entre au service de Georges Biassou. Il ne tarde pas à faire la preuve de son courage et de ses talents de stratège. Le surnom deL’ouverture ou Louverture s’ajoute à son nom en raison de la bravoure avec laquelle il enfonce les brèches !
Le 28 mars 1792, la nouvelleAssemblée législative établit une égalité de droit entre tous les hommes libres (à l’exception des esclaves) mais cette nouvelle demi-mesure intervient trop tard pour arrêter l’insurrection.
En 1793, l’Espagne entre en guerre contre la France. Madrid, qui occupe la partie orientale de l’île, Santo Domingo, offre à Georges Biassou et François ToussaintLouverture de combattre les Français à ses côtés en échange d’une promesse de liberté générale.
Les insurgés acceptent et Toussaint Louverture reçoit le grade de lieutenant général dans les armées espagnoles. Il commande 4.000 hommes et bientôt vole de succès en succès.
Libérés grâce à la Révolution française
Face à la révolte des esclaves et aux menaces d’invasion anglaise et espagnole, les commissaires de la République française Sonthonax et Polverel se résignent à proclamer la liberté générale des esclaves. C’est chose faite le 29 août 1793 dans la province du Nord et le 4 septembre dans les parties ouest et sud.
La Convention généralise ces décisions par le décret du 6 pluviôse An II (4 février 1794) en abolissant l’esclavage dans l’ensemble des colonies françaises.
Voyant cela, certains planteurs n’hésitent pas à appeler les Anglais à leur secours. Trois mois plus tard, en mai 1794, 7.500 soldats anglais venus de la Jamaïque voisine débarquent à Haïti et s’emparent de la capitale, Port-au-Prince.
Heureusement pour la France, Toussaint Louverture prend conscience de la fragilité du soutien espagnol : Madrid tarde à concrétiser sa promesse de libération des esclaves. Le 18 mai 1794, le héros noir change de camp et fait front commun avec les révolutionnaires français, leur sachant gré d’avoir libéré les esclaves. Il intervient avec ses troupes aux côtés du général Étienne Laveaux et la Convention le nomme général de division le 17 août 1794.
Les Anglais sont bientôt battus et décimés par une épidémie de fièvre jaune à laquelle les Noirs sont, eux, presque insensibles. En octobre 1798, Toussaint Louverture reçoit leur reddition au nom de la République française. Il prend dès lors en main le gouvernement de l’île et s’applique à rassurer les planteurs. La prospérité ne tarde pas à revenir. Il est vrai que le nouveau maître de l’île oblige ses frères de couleur à travailler comme salariés dans les plantations dont ils étaient auparavant les esclaves ! Il signe à cet effet un décret le 12 octobre 1800.
Toussaint Louverture réoccupe le 27 janvier 1801 la partie orientale de l’île, que l’Espagne avait cédée à la France en 1795 par le traité de Bâle. Cette initiative déplaît à Napoléon Bonaparte, qui gouverne la France à ce moment-là avec le titre de Premier Consul.
Le libérateur de Saint-Domingue n’en a cure et le 8 juillet 1801, il proclame l’autonomie de l’île et se nomme Gouverneur général à vie de la nouvelle République. Il s’ensuit une guerre impitoyable contre les troupes venues de la métropole, avec, au bout du tunnel, l’indépendance.
L’ouvrage de Laënnec HURBON,
docteur en Théologie (Institut catholique de Paris) et en Sociologie (Sorbonne), directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Université Quisqueya de Port-au-Prince, est une référence incontournable sur ce sujet » .
L’insurrection des esclaves
de Saint-Domingue
(22-23 août 1791)
Actes de la table ronde internationale
de Port-au-Prince
(8 au 10 décembre 1997)
Un document produit en version numérique par Réjeanne Toussaint, ouvrière
bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec
Page web. Courriel: rtoussaint@aei.ca
Dans le cadre de la collection: « Les classiques des sciences sociales »
Site web: http://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm
Recherches: Daniel Daréus
Images et Sources: http://montlucon-parti-socialiste.blogspot.com / http://www.karthala.com / http://www.herodote.net