Brésil-Justice: Brésil, la vérité mais pas la justice pour Dilma Rousseff, présidente torturée
Dans un long article publié samedi, le New York Times se penche sur un processus douloureux lancé depuis trois mois au Brésil : l’examen des crimes de la dictature (1964-1985), pendant laquelle 9 000 personnes ont été emprisonnées et torturées, 400 tuées ou portées disparues.
« Des responsables militaires à la retraite, parmi lesquels Mauricio Lopes Lima, 76 ans, ancien lieutenant-colonel, ont remis en question le lien entre l’armée et les violences.
Les groupes de défense des droits humains, quant à eux, traquent M. Lopes Lima et d’autres tortionnaires présumés, en encerclant leurs domiciles dans tout le Brésil. “Un bourreau de la dictature vit ici”, ont-ils récemment écrit à la peinture rouge dans l’entrée de son appartement à Guarujá. »
L’actuelle présidente du pays, Dilma Rousseff, a subi la répression de plein fouet. Et Mauricio Lopes Lima serait justement son tortionnaire.
Une Présidente discrète sur ses tortures
Agée de 22 ans en 1970, Dilma Rousseff faisait partie d’un groupe d’extrême gauche qui luttait contre la dictature brésilienne. Elle passe 22 jours entre les mains de la police secrète avant de comparaître devant un tribunal militaire. Le New York Times raconte :
« Son nom de guerre était Estela. Membre d’un mystérieux groupe de guérilla urbaine, elle a passé trois ans derrière les barreaux, torturée à de nombreuses reprises.
Ses bourreaux lui ont infligé des décharges électriques dans les pieds et les oreilles et lui ont fait subir le “perchoir du perroquet”. C’est-à-dire qu’ils l’ont suspendue à un bâton par les pieds, nue, pieds et poings liés. »
Présidente de la République quarante ans plus tard, elle décide de s’attaquer à cet épisode peu glorieux dans l’histoire du Brésil.
En mai, le pays crée une commission d’enquête sur les crimes commis pendant la « sale guerre ». CNN vient d’y consacrer un reportage.
»Les générations futures méritent la vérité », déclare Dilma Rousseff à l’inauguration de la commission. Elle-même a choisi de rester discrète sur son expérience dans les geôles de la dictature. Comme l’écrit le New York Times :
« Elle fait rarement référence à la cruauté endurée ; hormis quelques apparitions publiques, elle a peu parlé de la commission vérité. Par la voix d’un porte-parole, elle a refusé de s’exprimer là-dessus, comme sur son passage en détention. »
Son seul témoignage, livré à un universitaire en 2001, n’est connu que depuis le mois de juin à la faveur de la publication d’un rapport.
De nouveaux sévices subis par Dilma Rousseff dans une autre prison apparaissent alors sur la scène publique. Elle a notamment été frappée au visage au point de perdre des dents et tabassée jusqu’à l’hémorragie utérine.
L’universitaire qui a recueilli son récit décrit une Dilma Rousseff en larmes à la fin de l’entretien. Elle se laisse aller à une confidence :
« Je me souviens que l’effroi faisait trembler ma peau. Une telle chose vous marque pour le reste de notre vie. »
Pas de poursuites judiciaires
« Nous tentons de reconstituer la chaîne de commandement qui a conduit aux décisions de tuer et de torturer », a avancé Paulo Sergio Pinheiro, l’un de ses responsables. La commission dispose d’une grande latitude pour interroger les anciens prisonniers, les responsables militaires et les archives de la dictature.
Mais si la « commission vérité » doit faire la lumière sur les crimes de la dictature, elle n’est pas censée déboucher sur des poursuites judiciaires. Une loi d’amnistie votée en 1979 protège les anciens bourreaux de tout procès.
Malgré cette règle apparemment intangible, certains Brésiliens ne désespèrent pas de voir cette amnistie supprimée, comme cela s’est produit en Argentine et en Uruguay, deux pays voisins. Ils auraient ainsi une chance d’assister au procès de leurs tortionnaires.
Toujours délicates à mettre en place dans les anciennes dictatures, les commissions d’enquête réveillent les « fantômes » du pays.
En juillet, les bureaux de l’association « Tortura nunca màs » (plus jamais de torture) ont été cambriolés. Les voleurs ont emporté des archives sur les démarches psychologiques entreprises par les victimes de torture.
Image: http://fr.wikipedia.org
Source : Lepoint.fr