Haïti/Histoire-Culture: Coup d’œil réflexif et rétrospectif sur les Chefs d’Etat d’Haïti et la fin de leur règne (1804 – 2011) Leçons de mémoire

Sur l’ensemble des chefs d’Etat susmentionnés qui dirigent l’Etat de 1804 à nos jours, hormis les gouvernements provisoires mandatés, seulement 4 chefs ont pu boucler leur mandat constitutionnellement et rester tranquillement dans le pays.

Le pourcentage est insignifiant et négligeable : 7 % environ.  Ces 4 chefs d’Etat distingués sont donc : 1) Nissage Saget, le plus distingué par sa sagesse et sa droiture ; 2) Sudre Dartiguenave (1915-1922), qui reste en Haïti après son mandat ; 3) Sténio Vincent (1930-1941), qui reste en Haïti après ses deux mandats consécutifs ; 4) René Préval, qui vit tranquillement dans son pays après ses deux mandats constitutionnels.

Nissage Saget, élu pour 4 ans par l’Assemblée Nationale (19 mars 1870 – 12 mai 1874) ; sage, droit et conciliant, il respecta toujours la Constitution et les lois du pays. Quand on l’excitait contre le corps législatif, il répondit aux courtisans : « Que chaque bourrique braie dans son pâturage. » Après son mandat, il vécut tranquillement à Saint-Marc jusqu’à sa mort survenue le 7 avril 1880.

Les autres chefs d’Etat destitués, exilés ou tués au pouvoir représentent plus de 90 %. Ces derniers ont vécu un passé historique triste à cause de leurs comportements anticonstitutionnel, antipopulaire, antidémocratique ou anti-institutionnel – comportements jugés donc inacceptables voire intolérables au pouvoir. Donc, beaucoup de chefs d’Etat sont tués, assassinés, fusillés, sautés ou morts au pouvoir ; d’autres sont emprisonnés ou exilés au pouvoir.

Le cas le plus triste est celui de Sylvain Salnave (1867-1869) qui, pourtant, jouissait d’une immense popularité au début de son mandat. S’appuyant sur sa forte populace qui, après une séance orageuse au palais législatif au sujet de l’arrestation de l’officier Léon Montas, ferma le palais législatif en inscrivant sur les portes verrouillées : « Maison à louer ». Ce dernier avait connu une fin tragique par ses ennemis qui font sauter le palais national ; puis le conduisent sur les ruines fumantes du palais pour être fusillé sommairement. C’est à la fois triste et regrettable, ce passé historique orageux. D’où, l’impérieuse nécessité, aujourd’hui, pour un divorce avec ce passé honteux et pour un nouveau contrat inter-haïtien en vue de la « réconciliation nationale »,  de la reconstruction nationale et de la refondation de l’Etat.

Plaidoyer pour le contrat haitiano-haïtien, la refondation de l’Etat et la reconstruction nationale

Il est donc opportun, après ce passé historique triste, encore plus opportun après le séisme du 12 janvier 2010, de tirer les leçons du passé regrettable et de dégager les perspectives d’un nouvel Etat, d’une société juste où légalité vivifie égalité, fraternité et liberté dans le cadre d’un nouveau contrat haitiano-haïtien. La division ne profite jamais aux divisés. « Tout royaume divisé, toute ville ou toute maison divisée ne peut subsister », dit l’Ecriture. Cette division interne laissée en héritage depuis l’assassinat de J.J. Dessalines par ses propres « frères » et qui nous suit jusqu’ici, est donc profitable à tous, sauf à nous, compatriotes haïtiens divisés. Elle prend des proportions variées et se manifeste dans le temps à travers de multiples coups d’Etat sanglants, exils, guerres civiles, manifestations violentes, complots, traitrise, méfiance, luttes intestines tous contre tous.

Si nous ratons encore cette opportunité d’or de l’après 12 janvier, considéré comme l’année zéro pour un nouveau départ, il ne restera plus d’espoir pour nous des générations présente et future. Déjà, nous avons raté de grandes occasions et opportunités : après la révolution contre le colonialisme français (1804) ; après la chute des gérontes et obscurantistes boyeristes (1843) ; après le départ  des forces de l’occupation américaine (1934) ; après le départ du régime dur des Duvalier (1986) ; après le séisme du 12 janvier (2010).

Tout le monde s’attendait donc, après le 12 janvier 2010, à un véritable contrat haitiano-haïtien pour la reconstruction nationale et la refondation de l’Etat sur de nouvelles bases rationnelles durables. Car, d’une part, il n’existait plus de classes sociales au lendemain du 12 janvier avec tous les nationaux de couleurs, de sexes et d’âges confondus qui pleuraient et croupissaient sous les tentes ou sur les décombres. D’autre part, la solidarité apparente à double niveau national et international avait présagé un lendemain meilleur pour nous tous. Contrairement à toutes attentes, on s’est glissé à nouveau dans une crise électorale et postélectorale sans précédent allant nourrir une crise politique et une grande incertitude.

Ainsi, chers compatriotes, il est encore opportun, et il n’est pas trop tard de saisir l’occasion et l’opportunité que nous a offertes l’après 12 janvier, pour nous fraterniser ; pour recoudre le tissu social sous l’égide d’un nouveau contrat inter-haïtien, le contrat haitiano-haïtien ; pour réaménager l’espace territorial, reconstruire le pays, refonder l’Etat et briser enfin l’empreinte esclavagiste ainsi que les chaines mentales laissées après l’indépendance nationale. Si les héros de l’indépendance ont réussi à briser les chaines physiques après 3 siècles (1503-1803), il reste à nous donc de briser les chaines mentales qui nous emprisonnent encore après plus de 2 siècles (1804-2011). Ce travail de liberté mentale est aussi compliqué et difficile que celui de nos ancêtres pour la liberté physique certes, mais pas impossible. Nous pouvons nous débarrasser de ces chaines mentales, de cet esprit diabolique de haine et de division, si nous en avons la volonté. « Une autre Haïti est possible. »

Tableau récapitulatif des chefs d’Etat

No Chefs d’Etat Remarques
1 Jn Jacques Dessalines (1804-1806) / tué au pouvoir
2 Henri Christophe (1806-1820) / suicidé au pouvoir
3 Alexandre Pétion (1807-1818) / mort au pouvoir
4 Jean Pierre Boyer (1818-1843) / exilé à Paris
5 Rivière Hérard (1843-1844) / exilé à Kingston
6 Philippe Guerrier (1844-1845) / mort au pouvoir
7 Jean Louis Pierrot (1845-1846) / chuté, puis reste en Haïti
8 Jean Baptiste Riché (1846-1847) / mort au pouvoir
9 Faustin Soulouque (1847-1859) / exilé en France
10 Fabre N. Geffrard (1859-1867) / exilé à Kingston
11 Sylvain Salnave (1867-1869) / fusillé au pouvoir
12 Nissage Saget (1870-1874) / mandat achevé, puis mort à Saint- Marc
13 Michel Domingue (1874-1876) / blessé, puis exilé à Kingston
14 Boisrond Canal (1876-1879) / chuté, puis exilé
15 Lysius F. Salomon (1879-1888) / exilé à Paris
16 François D. Légitime (1888-1889) / exilé
17 Florvil Hyppolite (1889-1896) / mort au pouvoir
18 Tirésias S. Sam (1896-1902) / exilé
19 Nord Alexis (1902-1908) / exilé à Kingston
20 Antoine Simon (1908-1911) / exilé
21 C. Leconte (1911-1912) / péri au palais national sauté
22 Tancrède Auguste (1912-1913) / mort au pouvoir
23 M. Oreste (mai 1913-janv.1914) / exilé à New York
24 O. Zamor (1914 fév-oct.) / chuté et emprisonné
25 D. Théodore (nov.1914-fév.1915) / fusillé à P-A-P
26 V. G. Sam (1915 mars-juil) / tué au pouvoir
27 Sudre Dartiguenave (1915-1922) / mort en Haïti après mandat
28 Louis Borno (1922-1930) / remplacé par un gnt provisoire
29 Eugène Roy (1930 mai-nov) / mandat provisoire-achevé
30 Sténio Vincent (1930-1941) / mort en Haïti après mandat
31 Elie Lescot (1941-1946) / exilé à New York
32 Franck Lavaud (1946 janv-aout) / mandat provisoire présidé par le colonel Lavaud
33 Dumarsais Estimé (1946-1950) / remplacé par une junte, puis mort à New York
34 Franck Lavaud (1950 mai-déc.) / mandat provisoire présidé par le Général Lavaud
35 Paul E. Magloire[1] (1950-1956) / chuté, puis exilé
36 Nemours Pierre-Louis (déc.56-fév.57) / chuté après 1 mois 21 jours
37 Franck Sylvain (fév.57-avril 57) / chuté après 1 mois 25 jours
38 Gouv. collégial (avril 57-mai 57) / chuté après 1 mois 19 jours
39 Daniel Fignolé&CM (mai 57-juin 57&oct 57) / chuté après 4 mois &19 jours
40 François Duvalier  (1957-1971) / mort au pouvoir
41 Jean Claude Duvalier (1971-1986) / exilé en France
42 Henri Namphi – CNG (fev 1986-fév 88) / remplacés après élection
43 Leslie F. Manigat (fév-juin 1988) / exilé après 4 mois
44 Henri Namphi (juin-sept 1988) / exilé
45 Prospère Avril (sept 88-mars 90) / exilé
46 Ertha P. Trouillot (mars 90-fév 91) / mandat provisoire-achevé
47 Jean Bertrand Aristide (fév-sept 1991) / exilé après 7 mois, retourné en 1994
48 Joseph Nerette-junte (oct 91-juin 92) / chuté
49 Marc L. Bazin (juin 92-mai 94) / chuté
50 Emile Jonassaint (mai 94-oct 94) / chuté
51 J.B. Aristide (oct 94-fev 96) / mandat interrompu, puis continu et achevé
52 René Préval (1996-2001) / mandat achevé
53 Jn Bertrand Aristide (2001-2004) / exilé en Af. du Sud
54 Alexandre Boniface (2004-2006) / mandat provisoire-achevé
55 René Préval (2006-2011) / mandat achevé
56 Michel J. Martelly (2011) / mandat en cours

Beguens Théus, MPD

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[1] Paul-Eugène Magloire, le premier président haïtien élu directement par le peuple, le 8 octobre 1950.

Une pensée sur “Haïti/Histoire-Culture: Coup d’œil réflexif et rétrospectif sur les Chefs d’Etat d’Haïti et la fin de leur règne (1804 – 2011) Leçons de mémoire

  • 3 novembre 2011 à 1:49
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    yo pap janm pran leson ! bravo President Preval

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  • 3 novembre 2011 à 2:07
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    Ayiti pase tout prezidan sa yo
    epi li nan eta sa ke li ye la?
    Ala tris retro sa tris papa.
    Mesye !!!
    JP

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  • 3 novembre 2011 à 2:38
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    Sa se lis salopri yo ki mete peyi a nan eta y ye la a.

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  • 3 novembre 2011 à 2:40
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    Historiquement parlant,le president Dumarsais Estimé est le seul president que j’aime tout au fond de mon coeur.İl etait un inovateur,un moderniste et travaillait au service de son peuple.D’apres l’histoire,a l’epoque lui qui etait opposé a la corruption et en meme temps les noiristes qui voulait former une bourgeoisie noire, l’ont exilé.Parmi ses réalisations en 4 ans(Preval 10 ans),la ville de Belladere et celle de P-au-P(a cette epoque P.au.P etait un exemple pour tous les autres pays Antillais et Belladere etait une vitrine d’Haiti depuis la Rep.Dominicaine).

    A noter les Etats-Unis ne voulaient pas de lui emprunter mais il a remonté a tous ces problemes pour realiser son projet.Au lieu de faire  »Disaster Capitalism  »en donnant de gros salaire a des gens,plutot suivre Prezidan Estime ki se yon bon egzanp(bon administrate) ki montre nou gres kochon a kapab kuit kochon a depi nou byen jere l.
    Que son âme repose en paix.

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  • 3 novembre 2011 à 3:19
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    Je complimente l’auteur de l’article. Que Dieu nous aide ,nous éclaire et nous dirige à nous unir. Frères et Soeurs haitiens, pardonnons nous les uns les autres( VwadeZil dil nan yon kanaval: pa gen mounn ki pa fè),pour un nouveau départ. Nous souffrons tous d’une façon ou d’une autre, à court, moyen et long terme. Un Pays,des Lois, un peuple. Sauvons , notre Pays HAITI.

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