Haïti/Séisme : Où sont passés les fonds destinés à l’urgence humanitaire et à la reconstruction d’Haïti ?

Alors que l’on se demande sans cesse où sont passés les fonds destinés à l’urgence humanitaire et à la reconstruction d’Haïti après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010, un article de l’hebdomadaire français Courrier International, citant une enquête du site américain, a pointé du doigt le gouvernement américain et ses institutions présentes sur le terrain.

Selon l’article publié le jour du deuxième anniversaire du séisme, depuis cette tragédie qui a couté la vie à plus de 300.000 personnes et jeté dans les rues, près d’un million et demi d’Haïtiens, les montants collectés au profit des sinistrés ont été utilisés à d’autres fins.

D’après les chiffres avancés par l’agence Associated press, le gouvernement américain serait le principal bénéficiaire de l’argent qu’il avait lui-même accordé à Haïti. Il aurait également bénéficié des donations faites par d’autres pays.

Ainsi, sur chaque dollar des 379 millions consentis par Washington immédiatement après le cataclysme 33 centimes avaient été rendus directement au gouvernement américain pour compenser l’envoi de ses 5.000 soldats à Port-au-Prince, a rapporté Courrier international.

Il en est de même pour les 1,6 milliard de dollars alloués par les Etats-Unis aux secours d’urgence. De ces fonds, 655 millions ont servi à rembourser le département de la Défense, 220 millions ont été envoyés au département de la Santé et des Services à la personne en appui aux Etats américains en vue de fournir des services  aux réfugiés haïtiens ; 350 millions ont été accordés à l’USAID, l’agence américaine pour le développement international ; 150 millions sont affectés au département de l’Agriculture américain pour participer à l’aide humanitaire d’urgence, tandis que 15 millions avaient été versés au département de la sécurité intérieure pour couvrir les frais d’immigration.

Toujours selon Courrier international, le fonds humanitaire provenant de l’aide internationale, soit 2.4 milliards de dollars, a été distribué de la même façon. 34% ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l’intervention d’urgence, 28%  à des agences des Nations-Unies  et à des ONGs, 26% à des sociétés privées, 5% à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge. Seulement 1% a été versé au gouvernement haïtien et 0,4% à des ONG haïtiennes.

L’hebdomadaire français d’informations insiste sur le fait que « le gouvernement haïtien n’a absolument pas été mis à contribution dans le cadre de l’intervention d’urgence menée par les Etats-Unis et la communauté internationale. Aussi, note-t-il, sur chaque dollar accordé par les Etats-Unis et la communauté internationale, pour l’aide d’urgence moins d’un centime est parvenu au gouvernement haïtien.

Par ailleurs, il a été souligné que des sommes dérisoires sont parvenues aux entreprises et ONG haïtiennes. Sur 1490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, seuls 23 d’entre eux ont été accordés à des entreprises haïtiennes. Au total les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants. Seulement 4,8 millions soit 2,5% à des sociétés pendant que des sociétés privées de la région de Washington DC ont reçu 39,4% soit 76 millions de dollars.

L’article note aussi qu’un pourcentage non négligeable de l’argent a été transmis aux organismes internationaux d’assistance et aux grandes organisations non-gouvernementales qui font partie de réseaux influents.  Par exemple, la Croix-Rouge américaine, dont le PDG a un salaire annuel supérieur à 500 000 dollars, a reçu plus de 486 millions de dollars d’aide pour Haïti, deux tiers de ce montant ont servi à sous-traiter l’intervention d’urgence et la reconstruction.

Courier international a également fait mention d’un contrat de 8,6 millions de dollars entre USAID et CHF, portant sur l’enlèvement des débris dans la capitale,  alors que deux ans après, les décombres des bâtiments détruits par le séisme sont encore visibles dans les rues, selon l’hebdomadaire.

Un autre contrat d’une valeur de 1,5 million de dollars a été accordé au cabinet de conseil Dalberg Global Development Advisors a été signalé. L’expérience de cette firme a été mise en question. Le personnel de Dalberg n’aurait jamais vécu aucune expérience en matière de catastrophe naturelle ou d’urbanisme et n’avait jamais été responsable de programme sur le terrain.

Qu’en est-il de l’initiative Clinton-Bush pour Haïti lancée quelque 4 jours après le séisme ? Jusqu’à octobre 2011, les dons collectés avaient atteint 54 millions de dollars. Deux millions ont contribué à la construction d’un hôtel  de luxe à Pétion-Ville. Pour le reste, on n’en sait rien.

Une partie de l’argent destiné à l’humanitaire et à la reconstruction d’Haïti a été versé à des entreprises et des personnalités qui profitent des catastrophes naturelles pour s’enrichir, dénonce l’article.

Après le tremblement de terre, Luke Lewis, un coordonnateur haut placé de l’USAID qui a démissionné de cette agence suite à des rencontres avec le Premier ministre haïtien d’alors et embauché-pour un salaire de 30 000 dollars-, par la société Ashbrit, installée en Floride, et par un partenaire haïtien prospère, a déclaré : « il est évident que si la situation était gérée correctement le séisme pouvait apparaitre comme une opportunité autant que comme un calamité ».  Un contrat de 10 millions de dollars avait été accordé à Ashbritt et son partenaire sans appel d’offres.

Une partie  non négligeable des fonds promis n’a jamais été distribuée. En mars 2010, lors de la conférence sur la reconstruction, les bailleurs se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars sur deux ans et un total de 9,9 millions sur trois ans. En juillet 2010, seules 10% des sommes promises avaient été versées à la CIRH.

« Deux ans après le tremblement de terre, moins de 1% des 412 millions de dollars alloués par les Etats-Unis à la reconstruction d’infrastructures en Haïti ont été dépensés par l’UAID et le département d’Etat américain, et seuls 12% ont réellement été affectés, selon un rapport publié en novembre par le bureau américain chargé du contrôle des comptes », écrit le journal.

Enfin, Courrier International a fait remarquer que la CIRH, qui depuis sa création est sévèrement critiqué par les Haïtiens, entre autres, est suspendue depuis la fin de son mandat en octobre 2011. Cela, commente le journal, empêche au fonds pour la reconstruction d’Haïti créé pour travailler en étroite collaboration avec la CIRH aura des difficultés à poursuivre sa mission.

Fort de ces constatations, le journal croit qu’au lieu de donner de l’argent à des intermédiaires, les dons devraient être envoyés autant que possible aux organismes haïtiens publics et privés, ajoutant que le respect, la transparence et l’obligation de rendre des comptes constituent le fondement des droits humains.

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