Depuis 10 mois, Martissant contrôlé par les gangs, les autorités tenues en échec
Déjà dix mois depuis que la route de Martissant est impraticable. Dix mois depuis que les gangs armés s’affrontent pour le contrôle de ce tronçon de la route nationale numéro 2. De Léon Charles à Frantz Elbé à la tête de la Police nationale, de Claude Joseph à Ariel Henry à la tête de la Primature, les groupes armés tiennent les autorités en échec et la population de Carrefour et des quatre départements du grand Sud en otage…
Martissant. Depuis le 1er juin 2021, ce quartier de Port-au-Prince est devenu ‘’ Marti Sang ’’. Impossible pour la presse et les organisations de défense des droits humains de faire le décompte des victimes au sein de la population. Dans cette zone de la capitale, la mort devient monnaie courante, les chiens et les cochons se rassasient des corps des gens tués et abandonnés sur la route. De façon indiscriminée, les gangs armés ouvrent le feu sur les bus des transports en commun qui s’aventurent sur la route, et ce, depuis le début de la guerre entre les groupes armés le 1er juin dernier.
Le sénateur Joseph Lambert, un élu du département du Sud-Est, touché par la guerre des gangs à Martissant, indique que comme tout le monde il emprunte la route de Tara’s pour faire le va-et-vient entre Jacmel et Port-au-Prince. Comme tout le monde, le parlementaire évite la route de Martissant. C’est une situation révoltante, a critiqué le président du tiers du Sénat. Le parlementaire fustige le Premier ministre qui multiplie les promesses alors que rien ne change.
« Ça passe ou ça casse ! Soit vous résolvez le problème en arrivant à dégager un consensus pour donner plus d’autorité à l’État ou vous partez. Il y a un choix à faire », a lancé vendredi matin sur radio Magik9 Joseph Lambert s’adressant à Ariel Henry, Premier ministre et aussi président du Conseil supérieur de la police nationale.
Ils sont quatre sénateurs en fonction dans le grand Sud qui sont directement concernés par la situation de guerre des gangs à Martissant.
Pour l’ancien maire de Carrefour Yvon Jérôme, la population de cette commune et des départements du grand Sud sont en prison depuis le 1er juin. « Une prison économique et sanitaire », a-t-il dit. « La vie et la fuite de cerveaux ne veulent rien dire pour les dirigeants du pays », a-t-il tancé.
Selon Yvon Jérôme, la guerre des gangs à Martissant a des conséquences sociales, culturelles, sanitaires, éducatives et économiques sur la population. Des milliers d’emplois ont été perdus à cause de la situation à Martissant, a-t-il souligné.
« Il est difficile de trouver un chauffeur qui accepte d’emprunter la route de Martissant pour livrer des marchandises, même s’ils sont payés deux ou trois mois à l’avance. Quand on réussit à trouver un camionneur qui accepte de le faire en raison des risques, il vous charge d’un tarif qui dépasse l’ordinaire. A tout cela s’ajoute l’augmentation du prix du gasoil. Ce qui est le plus grave, c’est le nouveau facteur qui entre en jeu : le cabotage. Dans un premier temps, on vous faisait payer 500 dollars pour traverser avec un camion, le montant est passé à 700, 900. Maintenant, il est bruit que le montant va s’élever à 1 200 dollars », a expliqué Friteau Marc, président de la Chambre de commerce du Sud-Est.
Une situation qui rend la vie insoutenable aussi dans les départements du Sud, des Nippes et de la Grand’Anse, dévastés le 14 août 2021 par un tremblement de terre. Alors que les prix des produits de première nécessité grimpent à l’échelle nationale, le blocage de la route à Martissant augmente les prix de ces produits encore plus dans ces zones.
« Je donne la garantie que le tronçon de route de Martissant, menant vers le grand Sud sera dégagé et le contrôle sera repris par la Police nationale d’Haïti (PNH) qui, malgré ses faibles moyens, peut se réjouir de probants résultats dans la lutte contre l’insécurité et le banditisme », avait promis le Premier ministre le 11 février dernier. Il disait à ce moment que la route de Martissant contrôlée par des groupes armés depuis le 1er juin, laquelle donne accès aux régions du Sud, redeviendrait comme avant.
« Dans les meilleurs délais, la police dégagera la route de Martissant. Le rôle du gouvernement et de la police est de permettre la libre circulation des personnes et des biens. C’est l’une de nos grandes priorités », avait affirmé Ariel Henry.
« Nous commençons à identifier ceux qui alimentent et financent les gangs. La situation de notre pays doit changer. Chaque citoyen doit pouvoir vivre et circuler librement dans son pays », avait promis le chef du Conseil supérieur de la police nationale. Plus d’un mois après ces déclarations, la situation ne fait que se dégrader.
Source: Le Nouveliste