Ajustement des prix à la pompe (24% à 116%), quelles implications pour l’économie haïtienne ? f
L’actualité économique de ce mercredi 8 décembre est surtout marquée par cette décision prise par les autorités d’ajuster finalement les prix des produits pétroliers à la pompe, après plusieurs semaines de pressions, de tractations, de dénonciations et de communication.
Cette équation était difficile à résoudre par le gouvernement, dans un contexte d’une part, de détérioration des finances publiques avec de faibles rentrées des recettes fiscales et d’une hausse des cours sur le marché international, et d’autre part, d’un marasme économique en Haïti, marqué par une dégradation du secteur des affaires et des activités économiques avec des conséquences sur les conditions de vie de la population, l’insécurité alimentaire et la pauvreté.
En effet, les prix de la gazoline ont augmenté de 24%, ceux du diesel de 108% et ceux du kérosène de 116%.
En termes d’implication pour l’économie haïtienne, il faut dire que quelque que soit le cas de figure (ajustement des prix des produits pétroliers ou non), il y aurait toujours des problèmes ou des conséquences sur la stabilisation macroéconomique, puisque nous sommes en pleine crise économique et Haïti n’est pas encore sur la voie des réformes économiques et intentionnelle, encore moins sur la voie de la transition énergétique. De plus, la transmission des recettes prévues, et liées à la fin de la subvention des produits pétroliers, à la population sous forme de service public n’est pas totalement garantie dans ce contexte, entre autres, de crise institutionnelle au plus haut niveau de l’Etat.
Ceci étant dit, une augmentation des prix des produits pétroliers pourra aider à améliorer les recettes de l’Etat et réduire probablement les rythmes de croissance du financement du déficit budgétaire de l’Etat par la banque centrale ; le financement monétaire qui avait atteint un niveau record au cours l’exercice précédent à plus de 46 milliards de gourdes. Cependant, cet ajustement des prix ne restera pas sans conséquences sur les prix des biens et services dans l’économie (l’inflation), donc des impacts négatifs, entre autres, en perspective sur la stabilisation macroéconomique.
D’un autre côté, si l’Etat n’avait pas décidé d’augmenter les prix à la pompe, les risques d’une détérioration des finances publiques seraient énormes avec une constance dans la progression du financement du déficit budgétaire du gouvernement qui serait financé par la banque centrale, d’où encore des impacts négatifs sur l’inflation et le taux de change, donc sur la stabilisation macroéconomique.
Il est clair que, quel que soit le cas de figure, il y aurait toujours des problèmes, mais maintenant la grande question : quelle est la décision la moins mauvaise qu’on pouvait prendre ? En fait, dans tout pays sérieux, on ne peut pas répondre à cette question juste à travers une analyse logique, mais plutôt à travers des approches techniques et scientifiques, en faisant par exemple une analyse coût-bénéfice et la décision qui donne le ratio le plus important serait celle à adopter par le gouvernement.
Riphard Serent
Economiste