« La nouvelle Constitution va créer plus d’instabilité dans le pays », estime Jerry Tardieu

L’ancien parlementaire, qui avait dirigé une Commission chargée de proposer des amendements au sein de la Constitution de 1987, était invité sur le plateau de l’émission « Haïti, sa k ap kwit » réalisée sur Télé 20, lundi 29 mars, date qui ramène à la célébration des trente-quatre ans d’adoption de la loi-mère. « La constitution de 1987 était un beau projet qui portait toute une philosophie : celle de structurer l’État, tout en établissant une démocratie, décentralisant les pouvoirs et déconcentrant les services de l’État ». On y retrouve également un ensemble de libertés fondamentales, tout comme une pluralité politique, ect. », vante Jerry Tardieu qui croit, toutefois, que le plus grand drame de cette constitution reste dans le fait qu’elle n’a été appliquée qu’au gré des différents dirigeants et leaders qui se succèdent. Ils ne l’appliquent que lorsqu’elle est conforme à leurs intérêts, souligne-t-il.

Comme l’estiment certains acteurs dans la société, Jerry Tardieu pense que le pays avait adopté « une Constitution qui avait donné trop de pouvoir au Parlement ». « Nous étions sortis d’une dictature présidentielle pour, probablement, passer à une dictature parlementaire », martèle l’ancien député qui a rappelé le travail de la commission qu’il présidait, qui avait formulé des amendements qui n’ont pas été adoptés par ses collègues dont la majorité était proche de l’exécutif.

Pour Jerry Tardieu, le président Jovenel Moïse nourrissait probablement l’ambition d’amender lui-même la Constitution, mais dénonce le Comité indépendant qu’il a mis en place pour travailler sur le projet de la nouvelle Constitution. Ce Comité est dépourvu de légitimité représentative et ne tient pas compte de la volonté de la société. Peu importe le bien-fondé du texte qui apparaitra, le processus si mal mené va contaminer toute la machine », estime l’ancien parlementaire qui pense alors que le processus n’est ni participatif, ni inclusif.

Cette volonté de changement de la Constitution exprimée par le président apparaît, selon Jerry Tardieu, dans un contexte où tous les signaux sont au rouge dans le pays : « crise économique, crise constitutionnelle, crise électorale, crise sécuritaire. Il y a des endroits, dans le pays, qui constituent des zones de non droits. L’environnement n’est pas serein », souligne-t-il, avant de rappeler le manque d’encadrement légal et de légitimité de l’actuel chef de l’État dont le mandat a pris fin le 7 février 2021.

L’auteur de l’ouvrage « Dans l’enfer du Parlement », croit que l’exécutif veut imposer une Constitution au pays. Selon Jerry Tardieu, cette Constitution concentre tous les pouvoirs entre les mains du président de la République, du moins de l’exécutif, où les ministres et les secrétaires d’État bénéficieront d’une immunité dans l’exercice de leurs fonctions, et même après. « C’est une situation qui crée un super pouvoir en faveur de l’exécutif, donc au détriment du législatif et du judiciaire, comme contre-pouvoirs.  Ce pouvoir réduit le législatif  comme une peau de chagrin. Sous l’égide de cette nouvelle Constitution, le Parlement ne peut pas légiférer sur tous les termes d’intérêts publics. C’est un grave recul », dénonce celui qui note un déséquilibre des pouvoir.

Jerry Tardieu exprime un ensemble de réserves et inquiétudes par rapport au projet de la nouvelle constitution. « Les manquements, les ajouts ainsi que la philosophie caractérisant cette Constitution vont nous éloigner de la démocratie que nous cherchons. Tous les manquements et ajouts de cette constitution visent le renforcement d’une hyper présidence, sans contre-pouvoir », se préoccupe l’ancien élu de Pétion-Ville, qui reconnait, toutefois, la validité de certains articles et dispositions. Mais, précise-t-il, puisque le processus est contaminé (biaisé), cela rend hypothétique toute la machine.

L’ancien parlementaire rappelle que la commission, qu’il dirigeait, ambitionnait, avec les amendements, de rééquilibrer les pouvoirs, responsabiliser le président de la République et renforcer les institutions de l’État, alors que ce projet d’une nouvelle Constitution va produire tout l’inverse. « C’est une constitution qui engage Jovenel Moïse et sa famille politique et non la société haïtienne dans son ensemble. Dans le fonds, comme dans la forme, le projet de la nouvelle Constitution conduira le pays dans plus d’instabilité, puisqu’il n’est pas le résultat d’un consensus national », insiste Jerry Tardieu qui en appelle à la conscience des citoyens pour faire obstacle à cette démarche.

 

 

 

 

Source: Le Nouveliste

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