Préoccupations sur le marché des changes dans un contexte de crise socio-politique

Ce qui se passe actuellement sur le marché des changes n’est ni un hasard ni une fatalité, c’est donc le résultat d’un ensemble de phénomènes, de faits, de décision, d’incertitudes, de déséquilibre dans l’économie, exacerbés par le contexte socio-politique qui n’est justement pas favorable à une stabilisation du taux de change ou la stabilisation macroéconomique.

Deux préoccupations majeurs actuellement sur le marché : d’abord le manque d’accès à des dollars dans les banques et ce grand écart qu’il y a entre le taux pratiqué au niveau des banques et le taux pratiqué sur le marché informel depuis que la décision a été prise pour qu’au moins 70% des transferts de la diaspora passent par le système bancaire en vue d’une réduction drastique de la désintermédiation financière qui a été, selon les autorités monétaires, un facteur explicatif à des mouvements de spéculation et de fluctuation du taux de change.

Il faut dire qu’au niveau des banques, pendant la journée d’hier, le taux moyen pratiqué varie en moyenne entre 74 gourdes pour 1 dollar du côté de la BPH et 80 gourdes pour 1 dollar du côté de la Unibank, donc le taux a atteint en moyenne 80g pour 1 dollar officiellement à la unibank depuis mercredi dernier contre en moyenne 79g à la Sogebank, alors qu’au niveau de la BNC, le taux moyen de vente du dollar ne dépassait pas les 75g jusqu’à hier jeudi.

Il est important de dire que si on veut résoudre vraiment le problème du taux de change en Haïti, il faut d’abord résoudre le problème socio-politique et ensuite penser à la mise en œuvre d’un plan de relance économique stratégique pour Haïti, et au-delà de tous les maux que font les troubles socio-politique à l’économie, incluant l’insécurité rampante, il y a au moins 6 obstacles majeurs actuellement à la stabilisation du taux de change à moyen et long terme :

  • d’abord le comportement des finances publiques avec un niveau très élevé du financement du déficit budgétaire du gouvernement par la banque centrale, soit environ 30 milliards de gourdes de financement au 4 mars 2021 ;
  • Ensuite, les déséquilibres extérieurs, où l’écart entre les exportations du pays et les importations se creuse à cause non seulement de la pandémie de Covid-19 mais aussi de la crise socio-politique ;
  • Il y a aussi cette perspective de baisse des transferts de la diaspora en janvier et février dernier, après le pic de 362 millions de dollars en décembre 2020 ;
  • L’augmentation du prix du baril de pétrole qui se rapproche des 70 dollars, donc on a besoin beaucoup plus de dollars maintenant pour importer du pétrole ;
  • L’écart entre le taux de change pratiqué dans le système bancaire ou le taux des sous-agents de transfert et le taux utilisé par de grands magasins ou de grossistes (grands auto parts, compagnies de gaz propane, quincailleries, etc..), qui favorise de forte pressions sur le dollar, car les détaillants, commerçants et clients sont ‘’better off’’ en payant leurs marchandises en dollars.
  • et en dernier lieu l’augmentation des anticipations négatives des agents économiques, à cause de la situation socio-politique, où des gens décident de plus en plus de convertir leur épargne en dollars.

 

Voilà en quelque sorte quelques idées plus éclairées autour de ce qui se passe sur le marché des changes actuellement qui n’est pas aussi simple qu’on le pense et qui mérite vraiment des efforts coordonnés de la part de beaucoup d’acteurs (publics, autorités économiques et monétaires) pour arriver à renverser la tendance.

 

Riphard Serent

Economiste

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