Le président Moïse met en danger la vie des journalistes, dénonce la corporation

Quelques semaines après une marche de journalistes pour dénoncer les brutalités policières récurrentes, Jovenel Moïse a provoqué indignation, choc et crainte d’atteinte à la vie des travailleurs de la presse en déclarant lundi, à une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, que « souvent, des gangs se déguisent en manifestants et en journalistes pour attaquer nos policiers en service » a « banalisé la vie des journalistes », a confié à Magik 9 (100.9 fm) Jacques Sampeur, président de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) et directeur de Radio Télé Antilles Internationale, mardi 23 février 2021.

« Il autorise, d’une façon, à ce qu’on nous tire dessus, sans aucun problème. C’est nous les gangs aujourd’hui », a poursuivi cet icône de la presse qui traine plus d’une quarantaine d’années d’expérience. « Nous sommes à la veille de catastrophes, de tragédies, de drames », s’est inquiété Sampeur, soulignant que « c’est grave quand un chef de l’État parle de la presse de cette façon ».

« Quand un chef de l’État s’attaque de cette façon à la presse, c’est vulgaire, c’est grave », a répondu le président de l’ANMH. « On ne peut pas nous traiter ainsi. Non !!! », s’est insurgé Jacques Sampeur. Il a souligné que les journalistes, munis de leurs instruments de travail, ne sont pas des gangs mais des témoins d’évènements et des garants du respect de la liberté d’expression.  Sans prendre de gants, Jacques Sampeur a rappelé que « c’est l’État qui accompagne les gangs qui manifestent à visière levée ». Ce sont des véhicules de police qui sont vus, sécurisant de récentes manifestations de gangs qui se sont déroulées sans que la police intervienne. Il a conseillé les journalistes à la prudence dans l’exercice de ce métier dangereux mais nécessaire à la démocratie.

Le président de l’Association des médias indépendants d’Haïti (AMIH), Georges Venel Remarais, directeur de Radio Solidarité, abonde dans le même sens, estimant ces déclarations « irresponsables », « mettent encore plus en danger les journalistes ». « Aujourd’hui, c’est M. Moïse lui-même qui a taxé les journalistes de gangsters. C’est excessivement grave », a dénoncé ce journaliste senior qui compte lui aussi des décennies de pratique.

Le président de l’AMIH a dénoncé les brutalités policières, notamment le comportement d’agents de la police anti-émeutes qui ont bombardé de gaz lacrymogène un pick-up clairement identifié de Radio Télé Pacific. « Quand on empêche les journalistes d’exercer librement leur profession, il n’y a pas de liberté d’expression, de démocratie », a confié Georges Venel Remarais, lui aussi interrogé par Radio Magik 9.

Pour sa part, l’Association des journalistes haïtiens ( AJH) s’est dit choquée, indignée et scandalisée, a souligné que les propos du président Jovenel Moïse « exposent les journalistes à toutes formes d’attaque et d’agression ». « Le président Jovenel Moïse a semé le doute et la pagaille en déclarant que « souvent des gangs se déguisent en manifestants et en journalistes pour attaquer nos policiers en service ». Par ces graves propos, le chef de l’État justifie et assume tous les actes de brutalité orchestrés par des policiers contre les travailleurs de la presse. M. Moïse a, du même coup, exposé les journalistes à toutes formes d’attaque et d’agression »,  a souligné l’AJH, présidée par Jacques Desrosiers.

« L’Association des journalistes haïtiens dénonce ces propos du président de la République qui sont une attaque contre les journalistes, contre la liberté de presse et la liberté d’expression. L’Association des journalistes haïtiens rappelle que la liberté de la presse fait partie des acquis garantis par la Constitution haïtienne, les accords, traités et conventions internationaux ratifiés par Haïti », poursuit le communiqué de l’AJH.

« En cette période de trouble et de confusion, l’Association des journalistes haïtiens appelle les travailleurs de la presse à la prudence et à la vigilance, à ne pas se laisser intimider ». L’AJH  a également pris au mot Jovenel Moïse qui, lors de son intervention au Conseil de sécurité de l’ONU, « a laissé entendre qu’il veut améliorer la place d’Haïti au classement mondial de la liberté de la presse ».

« À ce niveau, l’AJH rappelle que depuis plus de deux ans la corporation attend encore les résultats des enquêtes policières et judiciaires sur les cas suivants : – la disparition du photojournaliste Vladjimir Legagneur, le 14 mars 2018 ; – l’assassinat du co-propriétaire de la Radio sans fin (RSF) Rospide Pétion, le 10 juin 2019 ; – l’assassinat du correspondant de Radio Méga à Hinche, Néhémie Joseph, le 10 octobre 2019 », lit-on dans ce communiqué de presse.

« L’Association des journalistes attend également que les agents de la Police nationale d’Haïti, auteurs des actes de brutalité et d’attaques contre les travailleurs de la presse lors des manifestations de rue, soient identifiés et déférés devant la justice », fait savoir ce communiqué.

Le collectif des médias en ligne a dénoncé des propos « inflammables » « mettant, bien sûr, la vie des journalistes haïtiens en danger ». « Le collectif des médias en ligne demande à la communauté nationale et internationale de prendre acte de ces déclarations, du même coup de les dénoncer », lit-on dans un communiqué transmis au journal par le journaliste de Radio Zénith, Robest Dimanche. « Analysant ce quiproquo, il y a lieu pour le CMEL de s’interroger sur la provenance des consignes qu’avaient reçu les agents de maintien de l’ordre ayant brutalisé des journalistes et même tiré des balles en caoutchouc ou réelles sur certains d’entre eux qui couvraient les mouvements de protestation dans le pays ces derniers jours », selon ce communiqué.

 

 

 

Source: Le nouveliste

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