La Cour des comptes bloque un projet de contrat de location d’hélicoptères

La CSC/CA, estimant que « ce n’est pas dans l’intérêt de l’Etat »,  a donné un «avis défavorable » fin mai à un projet de contrat de 3,3 millions de dollars signé entre le MPCE et Helico SA pour l’affrètement de 3 hélicoptères pour assurer le transport de hauts dignitaires de l’État haïtien, des cadres de l’administration publique nationale ainsi que des dignitaires étrangers  en visite en Haïti allant du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, a appris le journal de plusieurs sources, au milieu du mois de juin 2020.

Sans rentrer dans les détails, le président de la CSC/CA, dans une interview accordée au journal, a simplement confirmé cet avis défavorable. «Sur le contrat de location d’hélicoptères entre l’État et des particuliers, nous venons de donner un avis défavorable en conseillant à l’État de faire d’autres choix économiquement plus viables. Mais cela, le public ne le sait pas », a confié Rogavil Boisguéné.

Le journal a appris d’autres sources que « la Cour s’étonne du retour de ce dossier dont un avis défavorable a été donné par correspondance en date du 23 mai 2020, référencée CSC/CA/19-20/S-185-S154 dans laquelle la recommandation ci-après avait été faite au MPCE : « Le Trésor public gagnerait si l’État haïtien consentait à faire l’acquisition d’avions ou d’hélicoptères dédiés au transport aérien des personnalités  visées dans ce marché de location de près de trois millions et demi de dollars américains sur une année. »

Le journal a aussi appris que la Commission nationale de passation des marchés publics (CNMP), entité technique attachée à la Primature, a aussi recommandé que l’Etat fasse l’acquisition de sa propre flotte d’avions et d’hélicoptères pour ses besoins.

Le Premier ministre et ministre de la Planification et de la Coopération externe, Joseph Jouthe, a confié au journal que le contrat qu’il a « trouvé » « n’est pas encore renouvelé ». « Nous continuons d’écouter la CSC/CA, continuons de respecter ses recommandations parce que c’est son travail. Il faut respecter les institutions du pays. Nous poursuivons les discussions afin de trouver la meilleure solution possible », a fait savoir Joseph Jouthe.

Si Joseph Jouthe ajoute qu’il « croit sincèrement que la cour a raison », le chef du gouvernement n’a cependant pas fait l’économie de ses observations sur les incapacités de l’Etat à assurer la maintenance de ses équipements. « On peut bien dire que nous devons avoir notre flotte, mais ici, nous avons un problème de maintenance, de suivi, de réparation. Je suis désolé de le dire, l’Etat ne peut pas gérer une motocyclette, assurer la maintenance régulière pour qu’elle continue de marcher », a indiqué le Premier ministre et ministre de la Planification et de la Coopération externe, Joseph Jouthe, soulignant qu’il y a déjà des véhicules non fonctionnels de la flotte d’une centaine de véhicules achetés pour la PNH.

«Il faudrait acheter chaque année, deux ans, une flotte de véhicules pour la police, pour les autres ministères, pour l’Etat », a-t-il révélé. « Dans ma petite tête, je ne vois pas cet Etat, comme il est, gérer un hélicoptère voire un avion », a souligné Jouthe, qui dit cependant prendre des renseignements sur le coût d’un hélicoptère. « J’ignore le prix d’un hélicoptère. J’ai demandé que l’on me cherche cette information. Pour moi, sincèrement, la Cour a raison, mais acheter un hélicoptère à 2 millions, 5 millions ou 10 millions de dollars et trois jours après ne pas pouvoir payer le pilote et pour la maintenance ! Chaque fois qu’il faut réparer, il faudra aller chercher des techniciens à Miami », a détaillé Joseph Jouthe. « Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de fonctionner. L’Etat ne peut pas fonctionner ainsi », a-t-il déploré, avant d’évoquer les pays et les institutions qui font des locations de services pour satisfaire des besoins. « En matière de gestion, il faut savoir faire la part des choses pour prendre de meilleures décisions possibles », a-t-il rappelé.

Interrogé sur la proximité au non du propriétaire de Helico SA avec le pouvoir, Joseph Jouthe a indiqué que ce n’est pas ça la motivation de l’Etat. « Si l’Etat a besoin d’un service, il le paiera au meilleur prix. S’il y a un seul fournisseur, à ce moment-là, selon les lois sur la comptabilité publique et les passations de marchés, il faut expliquer son choix », a précisé le Premier ministre et ministre de la Planification et de la Coopération externe, Joseph Jouthe.

« C’est devenu une épidémie: pour que l’État soit sérieux, aux yeux des politiques post tremblement de terre, il faut que les élus, particulièrement, les parlementaires et le chef de l’État, de même que les ministres, roulent plusieurs carrosses dorés, puissent survoler le territoire », a pesté le sénateur de l’Ouest, Patrice Dumont, interrogé par le journal. « PHTK a introduit le goût des hélicoptères au Palais national. Il semble que pour bien penser et bien panser le pays, il faut avoir des ailes plutôt que du zèle, des moteurs vrombissants plutôt que des cerveaux bien formés et des âmes de patriote », a poursuivi le sénateur Dumont, soulignant que « les « chefs » de notre pays ne savent pas ce que c’est que servir ». « Sur les cinq dernières années, le Sénat de la République a acheté 87 voitures, et des voitures de prix. Pourquoi faire ? », s’est-il demandé.

L’ex-sénatrice Edmonde Supplice Beauzile, présidente de la Fusion des Sociaux-démocrates, dit soutenir la décision de la CSC/CA. « La CSC/CA n’a pas à rechigner. Elle doit tout simplement  refuser d’autoriser le paiement d’une telle facture », a-t-elle exigé.

 

Source: Le Nouveliste

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