Qui contrôle les 76 gangs armés répertoriés par la CNDDR sur le territoire… ?

A Port-au-Prince comme dans les villes de province, les groupes armés sont très fréquents et souvent imposent leur loi sur des routes nationales. Ils sont environ 76 gangs armés répertoriés à travers le territoire par la Commission nationale de désarmement, démantèlement et de réinsertion (CNDDR). Un membre du gouvernement démissionnaire a confié au Nouvelliste que parmi ces 76 groupes armés, au moins trois d’entre eux sont à la solde du pouvoir, « le reste est le sous le contrôle d’un ancien député et des sénateurs de l’opposition », a-t-il dénoncé. Pour le sénateur Youri Latortue, la position de l’opposition est formelle sur les gangs armés : « prison ou cimetière. »

Les groupes armés s’invitent dans les troubles politiques de ces dernières semaines. De jour comme de nuit ils opèrent en toute quiétude dans les rues à Port-au-Prince comme dans des villes de province.  A la sortie sud de la capitale dans les quartiers de Bicentenaire, Martissant, Grand-Ravine… ces bandits armés remplacent l’Etat. Ils y font la loi…

« A Port-au-Prince, il n’y a uniquement que le gang de Fontamara, Barbecue à Delmas 2 et Iska à Cité Soleil qui ont des rapports avec le pouvoir. Ces derniers jours, Iska et Barbecue ont été récupérés par un bras puissant de l’opposition qui leur donne plus de moyens pour fonctionner que le pouvoir. Krisla à Fontamara demeure loyal au pouvoir. C’est pourquoi, il n’y a pratiquement aucun mouvement de protestation ni de barricades dans cette zone…», a expliqué au Nouvelliste un influent membre du gouvernement sous couvert de l’anonymat.

Cette source gouvernementale a souligné au journal que dans les villes de province le pouvoir n’a aucun contrôle sur les gangs armés. Ce membre du gouvernement a cité le nom de deux sénateurs en fonction et d’un ancien député qui, selon lui, contrôlent l’ensemble des groupes armés à Port-au-Prince et dans des villes de province comme les Gonaïves. Ces groupes armés participent dans le processus de ‘’ peyi lòk’’, a-t-il dit. « Trop d’armes à feu sont en circulation actuellement dans le payd », croit savoir ce proche du pouvoir en place.

Contacté par Le Nouvelliste, Youri Latortue, l’un des sénateurs de l’opposition,  s’est voulu formel sur un point : « Nous autres dans l’opposition nous disons prison ou cimetière pour les bandits. C’est notre position. Il revient à la police de prendre toutes les dispositions avec le pouvoir en place pour arrêter les bandits armés et les déférer par devant la justice. »

Selon le sénateur de l’Artibonite, « il n’y a aucune connivence entre les groupes armés et l’opposition. Le pouvoir a à sa disposition toutes les forces coercitives de l’Etat pour arrêter les groupes armés ; s’il ne peut pas le faire il doit céder la place », a soutenu Youri Latortue.

Pour le colonel Himmler Rébu, leader de l’organisation politique GREH, « ce sont ces structures armées qui ont lancé le phénomène peyi lòk. Ce sont elles qui ont commencé à déconnecter la capitale de quatre départements vers le Sud et de quatre départements vers le Nord, le Plateau Central n’entrant dans la danse qu’avec l’aggravation de la crise politique. Le « lòk » qu’on connaÎt sporadiquement à Port-au-Prince tombant lui dans l’escarcelle de la mobilisation anti-Jovenel Moïse. Le « peyi lòk » c’est d’abord les gangs armés », a expliqué l’ancien colonel des FAd’H.

Ces gangs armés, peuvent-ils être aussi utilisés par le pouvoir? A cette question, Himmler Rébu a répondu en ces termes : « Ce serait grave de faire une telle affirmation, mais… Qu’a fait le pouvoir pour se démarquer d’une telle perception d’autant qu’à un certain moment des officiels proches du pouvoir avaient affirmé être en contact avec certains de leurs chefs ? Seule une présomption de complicité peut expliquer qu’ils n’aient pas été démantelés. De toute façon, que ce monstre ait été créé par le pouvoir ou non, c’est une épine et une grosse ! »

Interrogé par le journal pour savoir qui contrôle réellement ces groupes armés dans ce contexte de mouvements de protestation contre le pouvoir, l’ancien colonel croit que « ces gangs sont devenus de plus en plus autonomes en tout cas non dépendants des secteurs politiques. Sauf pour leur approvisionnement en munitions et en armes. C’est là que les soupçons pèsent sur le pouvoir qui devrait avoir la capacité d’un contrôle en amont. Il ne serait pas impossible que des secteurs maffieux et privés soient la source de l’approvisionnement. Toujours est-il que le pouvoir est censé avoir les leviers pour colmater cette brèche à la source à moins qu’il ne soit lui-même le problème. Je n’ai jamais compris la persistance de ce phénomène. Il ne devrait pas pouvoir perdurer sans une complicité au plus haut niveau de l’État…. par action ou par omission », a-t-il épilogué.

Sur Télé 20 à l’émission ‘’ Haïti Sa K ap Kwit ?’’,  Jean Rebel Dorcenat, membre de la Commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion (CNDDR) avait déjà fait savoir que des acteurs du secteur privé, des proches du pouvoir et des leaders politiques travaillent de connivence avec les gangs armés. Ils les alimentent en armes ou en argent, avait-il dit. Selon lui, la CNDDR a déjà dénombré l’existence de soixante-seize gangs armés à travers le pays. «  Il y en a qui comptent dix membres, d’autres quinze, d’autres encore soixante ou quatre-vingt », avait-il précisé.

De sa création en mars dernier à aujourd’hui, la CNDDR a récupéré uniquement un quinzaine d’armes à feu notamment à Cité Soleil sur un nombre incalculable d’armes à feu en circulation dans le pays.

Source : Le Nouveliste

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