Visa dominicain, la nouvelle denrée rare

 

Sans tambour ni trompette, le visa dominicain est en train de se convertir en une denrée rare. En témoignent les longues files d’attente constatées ces derniers jours devant le bâtiment du consulat dominicain à Pétion-Ville. Cette scène n’est pas sans rappeler celle qu’on avait l’habitude de voir devant le consulat du Brésil quelques années plus tôt.

Vendredi matin, dès potron-minet, une foule compacte se bouscule, se chahute devant le bureau du consulat dominicain à l’entrée de la rue Rigaud à Pétion-Ville dans l’espoir de décrocher un visa, synonyme de droit d’entrée légalement et régulièrement en République voisine.

« Aux premiers jours de chaque mois, premiers demandeurs et racketteurs font la ligne dès 3 heures du matin ou passent la nuit devant le consulat. Ces raquetteurs obtiennent les coupons gratuitement et les vendent à 50 dollars l’unité », confie une source qui connaît bien le dossier.

En effet, les demandeurs de visa doivent désormais se munir d’un coupon délivré par les autorités consulaires.

« L’administration du Consulat dominicain vous informe que les coupons sont valables seulement jusqu’à 11 heures. Merci de votre compréhension », précise un avis affiché sur la porte du consulat.

Selon cette même source, qui travaille dans une agence de voyages de la capitale, le quota de visas est fixé à 3 000 par mois maximum par la chancellerie dominicaine.

« A US $ 200 le visa multiplié par 3 000 cela vous donne six cent mille dollars US par mois sans compter la surenchère des racketteurs du dehors et du dedans, c’est un  gros business», calcule rapidement notre source.

Officiellement, le visa coûte 200 dollars mais peut atteindre jusqu’à 350 dollars au marché noir.

La loi de l’offre et de la demande

Si le besoin du visa, exprimé si bruyamment, est le même pour tous, un rapide échange avec les demandeurs permet de se rendre compte combien la finalité peut être différente.

Certaines des personnes interrogées affirment vouloir obtenir ce précieux sésame pour aller poursuivre leurs études, travailler ou acheter des marchandises là-bas.

Un homme dans la trentaine, qui trépigne d’impatience, avoue dans un élan de sincérité qu’il ne possède aucune compétence particulière mais il se dit prêt toutefois à accepter n’importe quel travail « là-bas chez les Dominicains » afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa fille de 4 ans. « Aucun travail ne saura me rebuter », lâche-t-il avant de baîller discrètement, les mains enfoncées dans les poches d’une veste délavée, signe qu’il vient de passer la nuit devant les locaux du consulat.

D’autres personnes par contre ne cachent pas leur intention de se servir du visa, une fois en leur possession, pour transiter par la République dominicaine en direction d’autres cieux plus cléments, notamment vers des pays de l’Amérique du Sud.

Sans crier gare, les espoirs de tout ce beau monde de repartir avec le précieux visa allaient recevoir une douche froide quand un préposé dominicain au consulat est sorti placarder une petite note annonçant aux demandeurs qu’il n’est plus nécessaire de continuer à faire le pied de grue. « L’administration du Consulat dominicain vous informe que les tickets de visa sont épuisés pour ce mois. Merci de votre compréhension », indique la note encore accrochée sur la porte d’entrée du bâtiment officiel.

A la lecture de la note, la déception est palpable sur les visages de ces gens qui viennent de dormir à la belle étoile dans l’espoir de déposer leurs passeports pour obtenir le visa.

Etudiants, personnes en quête d’emploi, commerçants…, tout le monde est obligé de rebrousser chemin, bredouille. Ils n’ont d’autre choix que passer par une agence qui ne leur fera pas de cadeau ou attendre qu’un stock de visa soit disponible.

« Les Dominicains ont parfaitement le droit de régulariser les conditions d’entrée sur leur territoire », reconnait cette dame qui s’identifie comme une commerçante avant de tourner les talons.

« Nous n’avons d’autre choix que d’attendre », admet un autre demandeur qui rejette d’un revers de main la solution des agences. « Nous ne pouvons pas nous rendre aux Etats-Unis, en France ou au Canada, la République dominicaine est pour l’heure notre seule planche de salut pour quitter ce pays », ajoute-t-il avant d’énumérer les causes qui le poussent à tourner le dos à sa patrie.

Insécurité, instabilité, chômage, cherté de la vie…, et la liste est longue.

« Je dois coûte que coûte quitter ce pays », lâche ce demandeur de visa sur un ton qui ne fait plus aucun doute sur sa détermination à poursuivre jusqu’au bout son projet.

Les raisons pour justifier le désir de partir sont si nombreuses que chacun devant le consulat à sa raison qui diffère de celle de son voisin. Le visa est devenu d’autant plus nécessaire que nos voisins font ménage de plus en plus efficacement contre les clandestins et les illégaux.

Rien que pour le mois de juillet dernier, environ 5 970 sans-papiers haïtiens qui tentaient de traverser la frontière dominicaine par voie terrestre (en camion, en voiture ou à motocyclettes) ont été capturés par les autorités du pays voisin, selon le Corps spécialisé dans la sécurité des frontières de la République dominicaine.

Pour faire face à ce flux de migrants haïtiens, la République dominicaine a décidé d’intensifier la sécurité à la frontière en y déployant notamment de nouveaux soldats.

Interrogé sur la nouvelle situation de délivrance des visas dominicains et de l’instauration d’un quota, le ministre haïtien des Affaires étrangères dit ne pas en être informé alors pas question d’espérer une intervention des autorités haïtiennes pour changer la donne.

 

Source: Le nouveliste

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