Haïti-Carnaval : Sexe et contestation dans les meringues
Par Edner Fils Décime
P-au-P, [AlterPresse] — Les meringues à jeux de mots un tantinet sexuel, des critiques du pouvoir en particulier ou de l’ordre social en général constituent la toile de fond d’une bonne partie de la production carnavalesque 2015.
Le Carnaval haïtien est placé sous le thème apparemment fédérateur « Nou tout se Ayiti » (Nous sommes tous et toutes Haiti) même si plus de 90% des groupes retenus pour le défilé ne l’ont nullement traité.
Sexe et société
De plus en plus, les titres à connotation sexuelle prennent de la place dans le carnaval. On dirait que nos musiciens (probablement avec leurs fanatiques) se libèrent d’un brulant désir d’obscénité qu’ils ont dû refouler toute l’année.
Un message dit social, la description de certains problèmes sociaux maquillent à peine la crudité des propos.
Le groupe à tendance « Rabòday » Vwadèzil fait école dans cette façon de traiter des sujets de société en employant des métaphores sexuelles.
Cette année 2015 avec « Ti pati m kanpe », tout en peignant la stratégie de création de partis comme sorte d’entreprises politiques à visée économique, Wadèzil traite également du phénomène d’érection des hommes.
« Chalè », qui en 2014 a saisi l’occasion de l’accentuation du conflit haitiano-dominicain pour sortir « fè bagay pou voye deyò (littéralement produire pour exporter mais allusion à l’éjaculation) » récidive en 2015 avec « Dechay (Deux charges, deux responsabilités) ou tout simplement décharge, allusion à l’éjaculation) ».
Le ténor du rap haïtien, Barikad Crew, fidèle à ses titres débutant par la lettre T, propose « Toutouni (Tout nu) » cette année.
Ce texte traite de la nudité de l’Etat (comprenez l’irresponsabilité), de nos institutions (notamment après le vide parlementaire du 12 janvier 2015), de notre environnement, de la jeunesse (encore une demande d’encadrement).
Cependant, le rappeur Izolan rappelle que la nudité est au propre comme au figuré en scandant « La fille dit à sa mère qu’elle peut la mettre à la porte parce qu’au Carnaval elle ira toute nue ». Ce qui est renforcé dans le clip video de la meringue.
Pastè Blaze finalement n’étonne plus avec ses productions consacrées à faire la promotion du machisme et de l’homophobie.
Le dernier rapport de la plateforme des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh) sur la situation des défenseur (e)s des droits humains en Haïti en 2013 et 2014 montre un degré d’intolérance accentué de la population par rapport aux défenseurs des Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transexuels (Lgbt). Ces chansons n’attisent-elles pas davantage cette haine ?
Les femmes sont traitées de tous les noms à cause de comportements se révélant plutôt d’un problème de troubles de la personnalité tels le blanchiment de la peau et le défrisage des cheveux.
Avec « mal pran mal (les mâles prennent les mâles) », Blaze semble vouloir dénoncer une certaine pratique de marchandage sexuel masculin ou de la prostitution homosexualle contre du travail.
La contestation, en perte de vitesse
Depuis quelques temps – principalement sous la présidence de Michel Joseph Martelly – la contestation et la critique sont quasiment évacuées des chansons de Carnaval.
Soucieux de leur participation au défilé des trois jours gras, avec l’exemple de la censure de Brothers Posse, les groupes musicaux jouent bons enfants à l’exception de Kanpech, Boukman Eksperyans, Brothers Posse et Guerchang Bastia.
Pour cette dernière année de la mandature du président Martelly, le groupe de rythme Racine Kanpèch avec « Gade moun yo » appelle lire la suite sur alterpresse.org