Haïti – Économie: Analyse des développements observés dans l’économie haïtienne au premier trimestre de 2015

Ce matin nous présentons la toute première chronique de l’année 2015 avec l’emphase la dernière note monétaire de la BRH publiée le 31 Décembre dernier. En effet, ce rapport trimestriel analyse les développements observés dans l’économie haïtienne. On se rappelle le 31 décembre dernier, nous avons présenté un bilan économique pour 2014 selon notre perspective bien entendu en se basant sur les principaux indicateurs économiques et l’évolution des différents secteurs. Aujourd’hui encore cette note monétaire a la porté d’un bilan, notamment les indicateurs monétaires et bancaires sur le dernier trimestre de 2014 et le premier trimestre de l’année fiscale 2014-2015.

Bien avant de rentrer dans les statistiques monétaires et bancaires, voyons les principaux indicateurs trimestriels de conjoncture et celles disponibles sur la production agricole. En effet, pour le premier trimestre 2015, l’Indice de la Production Industrielle (IPI) et celui de l’Activité de Construction (IAC) devraient connaitre une baisse de 0,7% et 1,5% respectivement contre des taux de croissance positifs de 4,3% et 1% au trimestre précédent. De même, le rythme de progression de l’indice de l’activité commerciale devrait ralentir de 2,7 points de pourcentage pour atteindre 2%.

Au niveau du secteur agricole, les informations de la CNSA font état d’une contraction de la production agricole au premier trimestre 2015 au cours du mois de novembre dernier. Cette situation a affecté l’offre de produits alimentaires locaux, lesquels ont un poids assez important dans le panier de consommation de la ménagère et favorise l’augmentation des importations dans l’économie haïtienne.

Au niveau des prix, l’inflation annuelle s’est établie à 6,2% en novembre, soit un niveau supérieur de 0,9 et 2,8 points de pourcentage par rapport au taux d’inflation observé respectivement au trimestre précédent et au mois de novembre 2013.

Au niveau du secteur externe, les données disponibles au mois d’octobre 2014, indiquent une détérioration de 9,2% de septembre à octobre 2014 du déficit de la balance commerciale dont le solde s’est chiffré à 246,5 millions de dollars américains. Ceci est dû à une progression plus prononcée des importations par rapport à celle des exportations. En effet, les importations, avec une valeur de 339 millions de dollars, ont progressé 6,6% par rapport à septembre 2014 alors que les exportations ont relativement stagné en octobre 2014 pour s’établir à 92 millions de dollars. Toutefois, les transferts privés sans contrepartie ont crû de 8,1% par rapport à la même période de l’exercice antérieur pour totaliser 231,1 millions de dollars américains pour les deux premiers mois de l’exercice 2015.

La détérioration du déficit de la balance commerciale caractérisée par l’augmentation des importations conjugué à la liquidité créée par la hausse du financement monétaire en octobre 2014, a contribué à une augmentation de la demande de devises et ont généré de fortes tensions sur le marché des changes au premier trimestre 2015.

Face à cette perte accélérée de valeur de la gourde, les autorités monétaires ont procédé à des interventions sur le marché des changes, lesquelles se sont traduites par des ventes nettes de devises à hauteur 35,35 millions de dollars. Cela a permis d’éponger un montant de plus de 1,66 milliard de gourdes en termes d’excédents de liquidité.

Au niveau des finances publiques face au déséquilibre observé entre le rythme d’exécution des dépenses et le taux de croissance des recettes au cours du trimestre précédent, le Ministère de l’Economie et des Finances a implémenté un ensemble de mesures dans le but d’augmenter les recettes et de réduire le niveau des dépenses au cours du premier trimestre 2015.

Ces dernières ont consisté en l’émission de nouvelles plaques d’immatriculation, au renforcement de la déclaration de l’impôt sur le revenu, à la diminution de la subvention des produits pétroliers et de certaines dépenses de fonctionnement de l’Administration publique. En conséquence, les recettes publiques ont totalisé 12, 017 milliards de gourdes au 17 décembre 2014, en hausse de 4,8% par rapport au trimestre précédent alors que les dépenses publiques ont baissé de plus de 33% par rapport au trimestre précédent pour atteindre 12, 51 milliards de gourdes. Ce qui traduit un déficit budgétaire courant de 497,6 millions de gourdes contre 7,42 milliards de gourdes un trimestre plus tôt, favorisant ainsi une réduction du financement monétaire durant le trimestre de plus de 64%.

Maintenant voyons quelques mesures de politiques monétaires qui ont été prise par la BRH au premier trimestre de l’année fiscale 2014-2015.

Tout d’abord, la banque centrale a relevé à deux reprises le taux d’intérêt de son principal instrument de régulation de la liquidité (les Bons BRH). En effet, au 10 novembre 2014, les taux sont passés de 3% à 4% pour les bons à 7 jours, de 4% à 5% pour les bons de 28 jours et de 5% à 6% pour les bons à 91 jours.

Parallèlement, face à l’abondance de liquidité dans le système bancaire, la Banque centrale a eu recours aux opérations d’open-market hebdomadaires en vue de stériliser l’excédent de liquidité via les adjudications des Bons BRH.

Par contre, les taux de réserves obligatoires ont été maintenus inchangés par rapport à leur niveau de juillet 2014. Pour les passifs en gourdes, ils sont de 37% pour les banques commerciales et les filiales non-bancaires et 25,5% pour les banques d’épargne et de logement. Pour les passifs libellés en dollars, ils sont de 40% pour les banques commerciales et les filiales non-bancaires et 28,5% pour les banques d’épargne et de logement.

Quant au crédit au secteur privé, sa décélération entamée durant l’exercice 2013, se poursuit avec une baisse de sa croissance de plus de 5 points de pourcentage. Un point vraiment négatif pour l’économie quand nous assistons à la baisse du crédit au secteur privé, ce dernier qui normalement devrait être le moteur de la croissance.

L’analyse du niveau de la dollarisation montre que la part des dépôts en dollars dans les dépôts totaux du système est restée plutôt stable à 56,92% contre 56% en septembre 2013. Au niveau des crédits, une augmentation modérée de la part des créances en dollars dans les créances totales a été constatée, passant ainsi de 40,28% en septembre 2013 à 43,32% en septembre 2014.

Au niveau du système bancaire, les données pour le mois d’octobre 2014 sur les indicateurs financiers témoignent de la solidité et de la résilience du système bancaire en dépit du resserrement des conditions monétaires. En dépit d’une relative stagnation de l’actif du système à 194,2 milliards de gourdes par rapport au trimestre précédent, le bénéfice net du système bancaire a enregistré une augmentation de 26,4% pour s’établir à 228 millions de gourdes. Un peu paradoxale, quand même, hausse du bénéfice du système bancaire et baisse du crédit au secteur privé.

Bref, voilà les principaux points contenus dans cette dernière note sur la politique monétaire de la BRH, qui présente clairement les mauvaises notes de notre économie au niveau du premier trimestre de 2015, à l’exception de la réduction du déficit budgétaire et la croissance des envois de fonds. Les problèmes sont multiples, les autorités politiques et économiques de ce pays, ont la responsabilité de faire preuve d’une meilleure gouvernance en 2015, pour surtout prévoir et bien planifier pour arriver a de meilleurs choix politique et économique efficaces et cesser de se comporter en pompier pour répondre uniquement aux incendies de conjonctures et ne pas se statuer sur les vrais problèmes structurels qui rongent l’économie haïtienne.

 

Etzer S. Emile, M.B.A

Economiste

Radio Vision 2000

etzeremile@gmail.com

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