Haïti-Justice: Vers le premier procès d’une Première dame au pouvoir ?
Le 19 mars écoulé, le tribunal de première instance de Port-au-Prince en ses attributions correctionnelles a siégé pour entendre l’affaire opposant la famille présidentielle aux avocats Saint-Juste et Michel. Me André Michel se réjouit du fait que le procès ait pu légalement démarrer, et qu’il ait eu le temps de lire son acte d’instance par devant le tribunal. Le tribunal est désormais lié par cette affaire, rappelle-t-il. Contrairement à la précédente audience, le 19 mars dernier, le ministère public était représenté. La famille présidentielle qui est défendue par le cabinet Vandal dans le cadre de cette affaire, était représentée par Me Jean Patrick Vandal.
Des présidents catalogués dans la galerie de nos anciens chefs d’Etat défilent un à un devant la justice sur fond d’échanges acrimonieux. L’on s’achemine lentement vers un procès – une première en Haïti – impliquant une famille présidentielle encore au pouvoir. Le juge Jean Serge Joseph pressé par les avocats Newton St Juste et André Michel de faire avancer le dossier, vient de donner le coup d’envoi d’un procès qui, peu importe sa durée ou son dénouement, devra figurer dans les annales de notre histoire.
Le lien d’instance est créé, le procès a commencé
Sans débats contradictoires et sur accord mutuel des deux parties, l’affaire a été mise en continuation puisque le tribunal devait se pencher rapidement sur le cas de certains jeunes retenus en prison depuis quelques jours. «On a compris qu’il fallait donner la priorité à ces jeunes privés de liberté dans le cadre d’une autre affaire et on a ensemble décidé de mettre l’affaire en continuation », explique Me Michel qui confirme que le procès sera repris à la première audience qui suivra les fêtes de pâques.
Plusieurs chefs d’accusations sont portés par les avocats contre la famille présidentielle. Cependant le tribunal correctionnel de Port-au-Prince est aujourd’hui saisi de l’affaire simplement pour ce qui a trait à l’usurpation de titre et de fonction reprochée à Sophia et Olivier Martelly. Pour ce qui est des chefs d’accusation, tels association de malfaiteurs, corruption et détournement de fonds qui sont aussi portés par Newton Saint-Juste et André Michel, le Parquet devra les transférer aux autres instances compétentes. « Nous menons la bataille sur plusieurs fronts. Nous avons d’autres dossiers pendants au Parquet incriminant la Première dame et nous attendons que ce dossier soit transféré au cabinet d’instruction pour ensuite aboutir à un procès criminel contre la famille présidentielle », souhaite Me André Michel, apparemment déterminé à mener cette lutte jusqu’au bout.
« «Ce procès ira au-delà du mandat du président Michel Martelly », laisse-t-il entendre en se montrant conscient des difficultés auxquelles il aurait actuellement à faire face dans le cadre de sa poursuite contre une famille présidentielle encore au pouvoir.
Plusieurs poursuites contre une même personne ?
« La justice haïtienne doit se montrer à la hauteur de sa mission », affirme Me Michel qui annonce que dans la ville de Jérémie un groupe de citoyens se prépare à enclencher une nouvelle action judiciaire contre la Première dame. « Elle sera poursuivie pour corruption par ces jérémiens qui me demandent d’être aussi leur avocat », informe André Michel.
Pourtant les lois procédurales haïtiennes ne permettent pas qu’une même personne soit poursuivie pour une même cause par devant deux juridictions de même niveau. Cette connexité entre les deux dossiers peut entraver le cours de la seconde affaire. Mais Me André Michel s’en dit conscient et promet de prendre, comme avocat, toutes les précautions nécessaires, pour que le dossier soit recevable dans les deux cas.
Entre-temps, le président Michel Martelly se tait. Pour les derniers jours, aucune déclaration du chef de l’Etat n’a fait allusion à ce dossier judicaire qui implique son épouse et son fils ainé Olivier Martelly.
A en croire Me Newton Saint-Juste, Mme Sophia Saint Rémy Martelly aurait en sa possession environ 30 millions de dollars pour mener des activités sociales tandis que son fils Olivier Martelly disposerait de près de 11.2 millions de dollars pour des projets dans le domaine du sport. En novembre de l’année dernière, les deux accusateurs de la Première dame se sont rendus jusqu’à Washington pour réclamer le soutien de certains avocats américains dans leur poursuite contre la famille présidentielle pour blanchiment des avoirs. Newton Saint-Juste et André Michel ont, par ce voyage, rencontré plusieurs autorités du département d’Etat américain et de l’organisation des Etats américains. (lematinhaiti.com)