Haïti-Séismologie: Douze études autour de la question sismique

La Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie (SHHGG) ouvre l’année de son 90e anniversaire avec une remarquable livraison de sa revue. Inspiré du tremblement de terre du 12 janvier 2010 et largement consacré au risque sismique, le contenu de ce numéro spécial (nos 241-244) en impose avec ses 300 pages.

Interdisciplinarité, perspectives historiographiques nouvelles et ancrage dans l’environnement insulaire et régional en constituent la puissante ossature. Un heureux panachage de signatures autorisées et de jeunes plumes met en relief le bien-fondé de cette approche et la distribution d’une douzaine d’articles en souligne l’originalité.

Dans un premier temps, un inventaire (non exhaustif) établit ce qui fonde aujourd’hui la vulnérabilité sismique du pays, avec une focale certes plus resserrée sur la capitale que les villes de province. Les articles de Claude Prépetit, d’Edgard Etienne, de Watson Denis, d’Alrich Nicolas, de Pierre-Jorès Mérat et de Jean-Marie Théodat s’attachent à camper l’héritage à partir duquel les balises de l’avenir doivent être érigées. Au fil de ces pages, le poids de la géologie insulaire, l’absence d’une politique nationale de sensibilisation à l’environnement, les impacts physiques comme socioéconomiques du tremblement de terre et donc, à l’arrière-plan, l’histoire de la gouvernance de notre pays comme de ses laissés pour-compte s’entrelacent étroitement. Un espoir tenace traverse pourtant l’ensemble des articles, celui en faveur d’une reconstruction pensée de nos villes touchées par Goudougoudou. Aussi est-ce significatif que pour appeler à ce redressement collectif des cités détruites et d’une prise en charge de la souveraineté, la contribution du président de la Société, Michel Hector, soit rédigée en créole. Véritable plaidoyer pour que cette langue devienne un outil de transmission de savoir pour une réelle refondation collective de la nation, officiellement bilingue.

Dans les second et troisième temps, la livraison associe aux pistes nouvelles de recherches enfantées par le dernier événement géologique dévastateur, un regard qui balaie le long temps historiographique. Une plongée dans l’histoire immédiate est d’abord offerte au lecteur avec pour angle d’approche celui de la représentation d’Haïti aux lendemains du séisme de 2010. Si Yves Michel Thomas et Terry Rey (dont le texte est en anglais) abordent cette question à travers les titres de la presse étrangère, Renauld Govain ouvre le champ des incidences linguistiques de cette catastrophe naturelle sur notre parler créole.

Ensuite, c’est un retour sur une expérience précise de catastrophe sismique qui est proposé avec la détermination d’en mieux cerner les contours. Avec des points d’appui complémentaires, Matthew J. Smith et Lewis Ampidu Clorméus se penchent ainsi sur le drame de 1842 au Cap-Haïtien dont les incidences économiques et diplomatiques sont vigoureusement pointées. Pierre Buteau, lui, interroge le caractère ténu, plusieurs siècles durant, de la prise en compte par nos historiens du danger sismique comme de ses retombées.

Enfin, ce volumineux fascicule se clôt avec une double invitation. Celle d’oser une histoire des lieux urbains à travers l’itinéraire du Calvaire du Bel-Air, ce à quoi nous convient Watson Denis et Marc Désir. Maria Filomena Gonzalez Canalda, quant à elle, aborde, avec rigueur, quelques mythes tenaces sur la présence haïtienne dans l’Est, à la période donc justement où le premier séisme de notre histoire nationale dévaste le Cap-Haïtien.

Avec ce numéro spécial, coordonnée par Watson Denis, l’un de ses secrétaires généraux, la SHHGG prend allègrement le virage de sa 90e décennie. Il n’a pas été évident pour l’institution de se relever du gouffre où Goudougoudou l’avait brutalement précipitée. Georges Corvington, son vice-président et l’historien de Port-au-Prince, comme en général les aînés de la Société, peuvent se réjouir de la justesse de ce tournant, au seuil de 2013. Les projecteurs de la revue sont braqués sur les meurtrissures de notre capitale tout en indiquant que transmission du patrimoine et avenir citoyen constituent une seule et même exigence impérieuse. Les témoignages et appels du conservateur frère Ernest Even et du bibliothécaire Patrick Tardieu en font formidablement foi.

Alors à quand le prochain numéro de la RSHHGG ? Cette future livraison est déjà attendue.

Source: http://www.lenouvelliste.com / image: http://de.wikipedia.org

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