Monde/Proche-Orient : Washington met en garde la Syrie contre l’usage d’armes chimiques

Le président des Etats-Unis a lancé, lundi 3 décembre, un avertissement au président syrien concernant l’éventuelle utilisation d’armes chimiques contre son peuple. La banlieue de Damas était lundi sous le feu de l’aviation, qui tente d’en déloger les rebelles.

  • Barack Obama avertit Damas contre l’usage d’armes chimiques

Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a mis en garde lundi le régime syrien contre le recours aux armes chimiques contre sa population, une « erreur tragique »qui aurait des « conséquences » selon lui. « Aujourd’hui, je veux dire très clairement à Assad et à ceux qui obéissent à ses ordres que le monde entier [les] observe », a déclaré le dirigeant lors d’une allocution à Washington.

D’après un responsable américain, Damas est en train d’assembler les précurseurs chimiques nécessaires à la fabrication de gaz sarin. Ce puissant neurotoxique provoque une paralysie complète, puis la mort. Ces précurseurs chimiques sont en général stockés séparément pour éviter tout accident. Le fait de les mélanger peut donc constituer une étape vers la militarisation du gaz, qu’il suffit ensuite de placer dans un missile, un obus ou une bombe. Selon un responsable anonyme cité par le blog spécialisé Danger Room, les Syriens « en sont au point où il suffit de le charger à bord d’un avion et de le larguer », mais les quantités de précurseurs mélangés sont « modestes ».

  •  Risque d’intervention internationale

L’utilisation d’armes chimiques provoquerait certainement une intervention internationale, a estimé lundi à Washington le ministre des affaires étrangèresjordanien, M. Judeh. « L’usage d’armes chimiques changerait la donne. Le régime [syrien] sait bien que la communauté internationale n’acceptera pas que ces armes soient utilisées dans différents scénarios, que ce soit par le régime contre son peuple, contre des pays voisins ou si ces armes tombent entre de mauvaises mains », a expliqué Nasser Judeh, dont le pays est frontalier de la Syrie. Aux yeux du chef de la diplomatie jordanienne, « tout ce qui divise la communauté internationale pour mener une action commune changerait certainement en cas d’utilisation d’armes chimiques »« Personne n’y réfléchirait à deux fois pour s’entendre et agir immédiatement », a-t-il insisté.

  • Le porte-parole du ministère des affaires étrangères syrien a quitté son poste

Jihad Makdissi « a été poussé à la démission par l’entourage du président, mais pas par le président lui-même, et il est parti avec sa famille lundi par l’aéroport de Beyrouth vers Londres », selon le directeur de l’Obervatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. « Ces gens étaient jaloux de sa notoriété car il passait souvent sur les télévisions étrangères. » « M. Makdissi a été relevé de ses fonctions après avoir improvisé des déclarations sortant du cadre officiel syrien », a rapporté de son côté la chaîne Al-Manar, organe du Hezbollah libanais, proche du régime syrien.

Les médias officiels n’ont pour le moment pas fait état d’informations. Chrétien de Damas, l’ancien porte-parole, qui s’exprime parfaitement en arabe, en anglais et en français, a fait sa thèse sur les médias à Londres tout en travaillant à l’ambassade. Il a été rappelé au début de la contestation pour devenir le porte-parole du ministère des affaires étrangères. Père de deux enfants, il venait voir sa famille à Beyrouth le week-end, selon des amis.

  •  L’ONU retire son personnel non essentiel de Syrie

Vingt-cinq personnes sont concernées, sur une centaine employées par l’organisation internationale, selon une agence de presse dépendant du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA). L’ONU a également décidé desuspendre tous les déplacements en dehors de Damas, mais maintiendra une présence dans les principales régions du pays, en fonction de la disponibilité du personnel local.

Selon un responsable de la sécurité de l’ONU en Syrie, Sabir Mughal, « la situation est en train de changer de manière significative » dans le pays : « Les risques augmentent pour les humanitaires en raison des tirs aveugles et des affrontements entre les parties » au conflit. Un convoi de la Force de l’ONU chargée de l’observation du désengagement entre la Syrie et Israël (Undof, ou United Nations Disengagement Observer Force) qui quittait l’aéroport de Damas a été la cible vendredi de tirs d’origine indéterminée, qui n’ont pas fait de blessé. Selon un responsable de la sécurité de l’organisation, l’ONU a grand besoin de davantage de véhicules blindés.

  • Visite tendue de Vladimir Poutine à Ankara

Vladimir Poutine s’est rendu lundi en Turquie, dans un contexte de tensions grandissantes entre les deux pays, notamment après l’interception en octobre par Ankara d’un avion de ligne syrien venant de Moscou et soupçonné de livrer des armes à Damas. La Russie, l’un des soutiens du régime syrien, qui bloque les projets de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU le condamnant, a affirmé qu’il s’agissait d’équipements radar qui n’étaient pas interdits par les conventions internationales.

« Nous ne sommes pas des défenseurs invétérés de l’actuel régime syrien », a insisté le président russe, tout en déplorant la volonté de la Turquie de déployer des missiles sol-air Patriot de l’OTAN à sa frontière. Cela « n’apaise pas la situation, mais au contraire, l’exacerbe », a-t-il estimé. « On dit que si un fusil est accroché à votre mur au début d’un jeu, alors à la fin il sera sûrement utilisé pourtirer. » Le dirigeant russe a conseillé « la retenue » à la Turquie, en concédant toutefois « comprendre » ses préoccupations en matière de sécurité.

Un délai de plusieurs semaines sera toutefois nécessaire pour la mise en place des batteries antimissiles, selon un haut responsable américain. Dans un entretien à l’AFP, le secrétaire général de la Ligue arabe a déploré que le soutien de la Russie à Damas empêche l’ONU d’avancer sur ce dossier. « Cela montre que la communauté internationale doit revoir la manière dont fonctionne le Conseil de sécurité », où Moscou détient un des cinq sièges permanents avec droit de veto. Nabil Al-Arabi, le secrétaire général de la Ligue arabe, a toutefois estimé que laChine, qui soutient elle aussi Damas au Conseil de sécurité, pourrait être amenée à évoluer. « Les déclarations que font les Chinois […] montrent qu’ils sont plus souples », a-t-il estimé.

  • Le régime de Damas peut tomber « à n’importe quel moment »

Après vingt mois de violences, « les faits sur le terrain montrent très clairement que l’opposition syrienne progresse politiquement et militairement. Elle progresse chaque jour », a estimé lundi M. Al-Arabi. D’après lui, la nouvelle coalition de l’opposition syrienne, qui s’est créée en novembre à Doha et a décidé de s’intaller au Caire, « va de l’avant »« Nous sommes en contact avec eux et nous les rencontrons tout le temps », a-t-il ajouté, en référence à la décision de la Ligue de reconnaître cette coalition comme son principal interlocuteur, alors que la Syrie est suspendue de l’organisation panarabe.

  • Damas et sa banlieue sous les bombes

La banlieue de Damas est désormais au cœur des combats, le régime ayant lancé jeudi une opération militaire pour reconquérir un rayon de 8 kilomètres autour de la capitale, qu’il veut à tout prix conserver pour être en position de négocier une issue au conflit, selon les experts. Sur le terrain, l’armée régulière bombardait les quartiers sud de Damas ainsi que sa banlieue, où son aviation menait des raids, a rapporté l’OSDH, ONG londonienne s’appuyant sur un réseau de correspondants locaux.

Le journal Al-Watan, proche du pouvoir, avait promis dimanche « l’enfer » à ceux qui songeraient à attaquer Damas. Lundi, il faisait état de nouvelles « opérations de qualité de l’armée » qui a tué de nombreux « terroristes », terme par lequel Damas désigne les rebelles. « Pour continuer de sécuriser la route de l’aéroportinternational de Damas du côté sud, l’armée poursuit sa progression sur l’axe Al-Houjeira, Aqraba, Beit Sahem », rapporte le quotidien.

Al-Watan évoque également Hama, une ville du centre du pays où semble s’ouvrirun nouveau front, avec des combats qui ont éclaté dimanche et des renforts militaires envoyés lundi, selon l’OSDH. Le directeur de l’OSDH a expliqué que ces affrontements étaient « très significatifs, car ils montrent que malgré le contrôle total de l’armée et des forces de sécurité sur la ville [après des manifestations monstres à l’été 2011], les rebelles sont parvenus à s’infiltrer ».

Source : http://www.lemonde.fr

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