Sommet des Amériques : la démocratie a reculé en Haïti, reconnaît Ariel Henry

Ariel Henry a profité des quelques minutes qui lui ont été attribuées à la tribune du 9e Sommet des Amériques, ce vendredi, pour dresser le portrait de la crise haïtienne. «Mon pays fait face actuellement à une insécurité alimentée par des gangs armés qui violent, qui tuent et kidnappent des nationaux aussi bien que des étrangers», a déclaré le chef du gouvernement haïtien à l’assistance composée d’officiels de pays du continent américain. Par leurs actions criminelles, a ajouté Ariel Henry, les bandits sont parvenus à empêcher la libre circulation des personnes et des biens.

L’une des grandes victimes d’un tel climat est la péninsule du Sud durement frappée par un tremblement de terre le 14 août 2021. « Cette zone est pratiquement coupée du reste du pays », a fait savoir Ariel Henry sans annoncer de mesures pour reprendre le contrôle de la situation.

Haïti ne fait pas face qu’au fléau de l’insécurité. Ariel Henry a aussi fait le triste constat du recul de la démocratie dans le pays. « Nos institutions démocratiques se sont effondrées », a-t-il reconnu. «…l’avenir paraît sombre », a-t-il enchaîné. Pour souligner la gravité de la situation, Ariel Henry a rappelé que le président Jovenel Moïse a été assassiné il y a quasiment un an. « J’ai le sentiment désagréable que ceux qui ont conçu et financé ce plan macabre échappent encore à notre système judiciaire », a-t-il souligné. Le Premier ministre s’est toutefois gardé d’évoquer le fonctionnement aléatoire du système judiciaire.

Les conséquences d’une telle situation sont multiples et graves. Ariel Henry en a cité quelques-unes dans son intervention. Il s’agit entre autres d’un ralentissement des activités économiques, d’une inflation importée, de la fuite massive des jeunes et des cadres vers d’autres pays de la région et une difficulté à envisager l’organisation rapide des élections et la transmission du pouvoir à des élus. « L’instabilité liée à une insécurité insupportable rend illusoire toute velléité de construire cet avenir durable, résilient et équitable », a fait remarquer Ariel Henry.

A côté de la fuite massive des jeunes et des cadres du pays, le Premier ministre haïtien a présenté l’immigration illégale de nos compatriotes un peu partout sur le continent comme une autre conséquence de la crise. Si le phénomène, a-t-il précisé, affectait quelques pays limitrophes dans le passé, il s’étend maintenant à presque tous les pays du continent. « Les migrants haïtiens dans leur quête de mieux être prennent tous les risques pour atteindre un pays d’accueil », a-t-il poursuivi. Il a par ailleurs indiqué que les autorités haïtiennes acceptent toujours de coopérer avec les pays de la région qui veulent rapatrier les migrants illégaux haïtiens. « Mais je continue à plaider pour qu’un traitement humain respectueux de leurs droits leur soit réservés », a-t-il conseillé comme un aveu d’impuissance.

En dépit de la dégradation des conditions de vie en Haïti, les pays de la région sont sans pitié pour les illégaux haïtiens qui débarquent sur leurs côtes. Une politique que le Premier ministre Ariel Henry désapprouve sans le dire clairement. « Je crois que l’accent doit être mis sur la recherche de solutions concrètes et durables aux problèmes qui poussent les migrants à partir de chez eux », a-t-il conseillé. Ajoutant : « En Haïti, ces problèmes ont pour nom la misère, le chômage, l’absence d’opportunités pour les jeunes, les inégalités, l’insécurité et l’instabilité politique ».

Comme solutions à ces problèmes qui n’affectent pas qu’Haïti, Ariel Henry exige des investissements massifs créateurs d’emplois stables en vue d’offrir aux candidats à l’immigration illégale des opportunités et des raisons d’espérer un avenir meilleur.

Ariel Henry en a profité pour révéler qu’il est à la tête d’un gouvernement de consensus issu d’un accord politique entre des forces politiques et antagoniques et des secteurs de la société civile. « Et je continue sans relâche à parler à mes compatriotes pour tenter d’élargir ce consensus en alliant plus de groupes sociaux autour d’un plan conçu pour ramener les institutions du pays à un fonctionnement normal et pour restituer le pouvoir à des élus librement choisis par le peuple haïtien dans le cadre d’élections libres et transparentes », a-t-il révélé.

Des promesses et des fausses promesses

Parallèlement à son intervention à la tribune du Sommet, le Premier ministre Ariel Henry a eu des rencontres bilatérales où il a évoqué la situation du pays. Selon la Primature, une rencontre s’est tenue entre le Premier ministre Ariel Henry et le président dominicain Luis Abinader, le jeudi 9 juin. « Cette rencontre a été l’occasion pour le chef du gouvernement haïtien et le président dominicain de discuter de la sécurité, de la migration, de la régularisation des travailleurs haïtiens, du renouvellement du mandat du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), du renforcement de la gestion des ports et enfin de la candidature de l’ancienne ministre de la Santé publique et de la Population, Dr Florence Guillaume Duperval, au poste de directeur général de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) », a fait savoir la note.

Le président Luis Abinader, poursuit la note, a annoncé que son pays est prêt à apporter une assistance technique au gouvernement haïtien, dans les domaines de la formation, de la technologie et de l’intelligence.  La Primature a par ailleurs précisé que Le Premier ministre Ariel Henry et le Président Luis Abinader ont convenu de régulariser la situation des immigrants et des travailleurs haïtiens en République Dominicaine, en les dotant de documents d’identification, et en redynamisant la Commission mixte haïtiano-dominicaine.

Le gouvernement dominicain, dans une note rendue publique, conteste les informations publiées par le gouvernement haïtien sur la rencontre. « Il n’y a eu aucun engagement pour régulariser la situation des immigrants et des travailleurs haïtiens dans le pays ou pour soutenir la candidature de l’ancienne ministre haïtienne de la Santé publique, Florence Guillaume Duperval, au poste de directrice générale de l’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) », lit-on dans cette note publiée sur le site de la présidence.

« Le gouvernement haïtien doit tout mettre en œuvre pour fournir des documents officiels à ses ressortissants en République dominicaine », a soutenu le président Luis Abinader sur la question des immigrants haïtiens.

Concernant la candidature d’Haïti à l’OPS, le président dominicain, selon la note, a indiqué qu’il ne pouvait pas s’engager à soutenir la candidature du Dr Florence Duperval Guillaume étant donné que le Panama est aussi dans la course.

Parallèlement à la note, le président Luis Abinader, dans son intervention au Sommet ce vendredi, a réitéré son cri d’alarme en faveur d’Haïti à la communauté internationale.

Si le gouvernement dominicain dit n’avoir fait aucune promesse au gouvernement haïtien, Ariel Henry partira cependant de Los Angeles avec des promesses d’assistance de la BID pour combattre l’insécurité, l’insécurité alimentaire et les problèmes migratoires. Le secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, a, quant à lui, selon la Primature, promis de continuer à sensibiliser les chefs d’Etat et de gouvernement de la région en vue d’amplifier leur soutien à Haïti dans sa lutte contre les gangs armés, le trafic d’armes et de munitions illégales, notamment sur le territoire haïtien.

Plusieurs rencontres ont été tenues entre le Premier ministre Ariel Henry et des autorités américaines, dont l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU, Mme Linda Thomas-Greenfield, et le secrétaire d’État adjoint aux Affaires de l’Hémisphère occidental, M. Brian Nichols. Les autorités haïtiennes ne révèlent pas encore ce qui a été dit dans ces rencontres.

 

 

 

Source: Le Nouveliste

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