Le choléra en voie d’élimination en Haïti

24 semaines, soit six mois, c’est le temps depuis que la Direction d’épidémiologie, de laboratoires, de recherche (DELR) n’a recensé aucun cas de choléra à travers le pays.  Une grande première depuis octobre 2010. Les départements des Nippes et de la Grand’Anse, quant à eux, n’enregistrent pas de cas depuis plus de 18 mois. Sans véritablement le support de l’ONU qui peine à récolter des fonds pour la lutte contre le choléra, et les partenaires qui se retirent, le pays est en passe d’éliminer cette maladie introduite par les Casques bleus népalais de l’ONU.

« Depuis la quatrième semaine de l’année 2019, on est à zéro cas confirmé de choléra. Cependant, on continue à avoir des cas de diarrhée aigüe. Les cas suspects ne sont pas confirmés par les tests de laboratoire», a confié le Dr Natan Zéphirin, conseiller technique du MSPP dans une interview exclusive au Nouvelliste ce mardi 23 juillet.

Le Dr Zéphirin parle de fierté mais aussi de détermination à juguler la maladie. La stratégie mise en œuvre par le Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) porte ses fruits. Elle consiste notamment à déployer des Equipes mobiles d’intervention rapide (EMIRA). Automatiquement, un cas suspect est arrivé dans un Centre de traitement de choléra (CTC), ou rapporté dans une zone, les agents de santé sont déployés dans la zone de résidence de ce patient suspect pour procéder à la décontamination, le cordon sanitaire.

Entre janvier et avril, on note une augmentation du pourcentage de prélèvement parmi les cas suspects de choléra de 79% à 97% grâce au système de transport du MSPP et l’appui des infirmières labo-moto. 98% des cas suspects de choléra ont été abordés et 91% d’entre eux en moins de 48 heures entre la semaine épidémiologique 01 (début janvier 2019) et 13 (fin mars 2019) par les équipes mobiles d’intervention rapide du MSPP (EMIRA) appuyées par 55 équipes de réponses rapides (3 ONG internationales).

« Au niveau communautaire, à travers les agents de santé, à travers les équipes mobiles même si la personne ne vient pas à l’hôpital, on fait ce qu’on appelle la recherche active dans la communauté et on détecte les cas suspects», a expliqué le médecin.

L’intervention ne se limite pas qu’à la prise en charge du patient suspect mais de tous les habitants se trouvant sur un certain périmètre. Les gens qui sont en contact ou à risque de contracter le vibrio cholerae, l’équipe les prend en charge en leur administrant de la doxicicline comme chimioprophylaxie. L’équipe intervient avant 48 heures, sachant que la bactérie, une fois qu’elle a été contractée, prend deux heures à cinq jours avant de développer la maladie.

« La bactérie se transmet par voie orale et ça passe dans les sels. La doxicicline permet de la tuer chez la personne la contractant. Même quand cette personne défèque à l’air libre au bord d’une source d’eau, sa selle ne va pas pouvoir contaminer les sources d’eau du choléra », a indiqué le médecin, affirmant que le pays est sur la bonne voie d’éliminer le choléra en Haïti. La Direction d’épidémiologie, de Laboratoires, de recherche (DELR) continue de surveiller s’il n’y a pas de cas qui passent dans le système sans être notifiés.

Grand’Anse et les Nippes, zéro cas suspect depuis 18 mois

« Malgré notre faiblesse en termes d’accès à l’eau potable et d’assainissement, on arrive à contenir la maladie », fait remarquer le Dr Natan Zéphirin. Il explique que, depuis plus d’un an et demi, les départements de la Grand’Anse et les Nippes n’enregistrent aucun cas suspect. Malgré ce grand progrès, le MSPP ne baisse pas la garde, selon le responsable qui souligne que les agents de santé communautaires effectuent régulièrement des visites domiciliaires.

Il faut confirmer tous les cas avant de crier victoire

Au plus grand centre de traitement de diarrhée aiguë, les Centres GHESKIO, le Dr Karine Sévère confirme qu’aucun cas de choléra n’est recensé depuis fin mars. « À partir de juillet de l’année dernière, on a commencé à enregistrer très peu de cas. On a recensé deux cas en juillet et un cas pendant les mois d’août /septembre, janvier 2019 et mars », a indiqué le médecin, qui se garde de crier victoire.

« J’insiste sur le fait que lorsqu’on réalise la surveillance épidémiologique, tant qu’on n’a pas la documentation par le test de référence, on ne peut pas encore dire qu’il n’y a pas de cas. Il faut s’assurer que tous les cas rapportés suspects ont été testés et sont négatifs », a exhorté le médecin.

Pas de financement direct de l’ONU

Les partenaires tels que la Banque mondiale, l’OPS/OMS, la CDC, l’Unicef sont parmi les rares bailleurs qui financent les activités de lutte contre le choléra en Haïti. L’appel de L’ONU, après avoir reconnu son implication dans l’introduction de l’épidémie en Haïti, en 2016,  de récolter 400 millions de dollars en deux ans  pour lutter contre le choléra et aider les familles les plus affectées reste lettre morte. L’organisation n’a recueilli que 2 millions de dollars sur les 400 millions visés et seuls six des 193 États membres ont contribué. Les 390 millions de dollars américains sollicités par le président de la République, Jovenel Moïse, en septembre 2018, n’a pas non plus trouvé de réponse.

« L’État ne reçoit pas de financement direct de l’ONU. Elle passe par les partenaires », a indiqué le Dr Natan Zéphirin notant que, pour répondre à certaines exigences du plan national de lutte contre le choléra, le MSPP a disposé une enveloppe de plus de 40 millions de gourdes.

En janvier dernier, l’OCHA a fait remarquer que les montants disponibles n’allaient pas permettre de maintenir les équipes sur toute l’année 2019. Il y avait un gap d’environ 2M USD à combler.

Pour consolider la lutte contre le choléra et l’hygiène, Haïti recherche plus de 3, 34 millions de dollars. Ce fonds servira à implanter la dernière phase du plan de lutte (2013-2022) qui met l’accent sur l’accessibilité à l’eau potable et l’assainissement.

Edrid St Juste

Le Nouvelliste

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