Quand l’État oublie de passer commande, les passeports se livrent au compte-goutte
Au premier trimestre de l’année 2018, les locaux de la Direction de l’Immigration et de l’Émigration (DIE) à Lalue étaient débarrassés des nombreux demandeurs de passeport. Le va-et-vient incessant et les bourdonnements des mécontents avaient cessé. À présent, on a observé une affluence considérable dans la salle d’attente. Les passeports ne sont émis que pour les cas d’extrême urgence ou humanitaires. Les autres demandeurs, ceux qui patientaient depuis un certain temps, vont devoir attendre encore deux mois. « Précisément, c’est en septembre que nous reprendrons notre production normale de 4 000 passeports par jour », a en effet soutenu Joseph Cianciulli, directeur général de l’immigration. Pour l’instant, la direction espère voler sous les radars, attendant avec espoir un nouvel arrivage de 100 000 livrets à la mi-août.
Depuis janvier la production a considérablement baissé parce que la commande n’a pas été passée par l’État. Et les conséquences sont les mêmes. Les demandeurs de passeport attendent désespérément leurs documents d’identité. Contraint d’opérer une baisse de régime dans la production de passeports à cause de ce retard de livraison des dernières commandes de livrets effectuées par l’État haïtien, le service de production et livraison de passeports entrevoit le bout du tunnel. Cette semaine, le directeur général Joseph Cianciulli affirme avoir reçu 20 000 livrets. Le hic ! Ils ne serviront pas à couvrir les demandes journalières de passeports ni même les dossiers en attente de traitement. 10 000 ont été envoyés à Washington pour les demandeurs haïtiens partout à travers le monde qui ont fait une demande en dehors du pays.
Alors que le prix du timbre de passeport a considérablement augmenté pour passer à 6 000 gourdes, Joseph Cianciulli, en place peu après l’entrée en fonction du président Jovenel Moïse, affirme qu’il ne va pas changer la donne jusqu’à fin septembre. Les demandes en souffrance sont certes déjà traitées et envoyées en impression, mais il ne manque que les livrets. « Je ne peux pas produire normalement comme on le faisait autrefois au risque d’être en rupture de stock, ce qui serait bien plus grave », s’est justifié le directeur. Donc si vous n’entrez pas dans certaines catégories, pas la peine d’insister auprès de l’immigration pour avoir son passeport, peu importe le nombre de temps écoulé depuis la demande. Avoir son passeport en cinq jours n’est nullement possible.
En juin, M. Cianciulli nous a confié qu’il a choisi délibérément d’ignorer les nouvelles demandes au niveau de la production afin de pouvoir tenir encore jusqu’à deux semaines. Questionné sur les demandes de passeports en souffrance qui risquent d’augmenter entre-temps, Joseph Cianciulli, l’air rassurant, a parlé de son plan pour régulariser cette situation en établissant un calendrier de grosses commandes périodiques de livrets. Entre-temps, il reconnaît que des dossiers en souffrance s’accumulent. Mais il y n’a pas lieu de s’inquiéter, a-t-il laissé entendre. « En produisant 4 000 passeports par jour, on peut facilement rattraper le temps perdu », a-t-il supposé. Au cours de l’année 2017, ces dossiers étaient estimés à 120 000. Cela a provoqué la grogne chez plus d’un et de longues files d’attente dans les locaux de l’institution.
Ricardo Lambert
Le Nouvelliste