Boulo Valcourt, la mort d’un « immense musicien » d’Haïti. Un parcours musical d’une cinquantaine d’années

Par Gotson Pierre

P-au-P., 18 nov. 2017 [AlterPresse] — Haïti vient de perdre un « immense musicien », avec le décès, le vendredi 17 novembre 2017, à New-York (Etats-Unis d’Amérique), du chanteur, guitariste, compositeur et arrangeur, Henriot Valcourt (plus connu sous le nom de Boulo Valcourt), à l’âge de 71 ans.

Boulo Valcourt était malade depuis quelque temps et a été transporté à New-York, où il a été hospitalisé, a appris AlterPresse auprès de ses proches.

Cette perte a provoqué une onde de choc dans les milieux artistiques, suivant diverses réactions enregistrées par AlterPresse.

Le chanteur Wooly St Louis Jean fait part de sa grande tristesse, suite au décès d’un « immense musicien », un être extraordinaire et d’une grande générosité.

Il confie avoir bénéficié, à maintes reprises, des conseils de Boulo Valcourt, qui a « beaucoup appris à des générations de musiciens ».

Originaire du Cap Haïtien où il naquit au le 12 février 1946, le célèbre guitariste et chanteur a traversé plusieurs époques de la musique haïtienne. Il s’est produit en compagnie de nombreux groupes, dont « Ibo Combo », le « Caribbean Sextet », et en solo.

Il a interprété d’innombrables chansons du patrimoine populaire haïtien ainsi que plusieurs textes du poète et parolier haïtien Syto Cavé, auteur de Lapèsonn, un tube des années 1980, qui est devenue « la chanson fétiche » de Boulo Valcourt.

D’aucuns donnaient, entre autres, un sens politique à cette chanson, qui accompagnait, dans l’esprit de certaines personnes, la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier, en 1986.

Le compositeur, auteur et chanteur Pierre Rigaud Chéry, qui a eu « l’honneur » de jouer périodiquement, durant 10 ans, avec Boulo Valcourt, n’en revient pas.

« Il aimait la vie », dit-il à AlterPresse, rapportant la blague, que faisait toujours Boulo Valcourt : « je vivrai 100 ans ! ». « Il aimait la musique et l’échange et était sincère », ajoute-t-il.

« Boulo n’est pas mort. C’est un des plus grands créateurs haïtiens », estime Chéry, dont le titre Tèt Bòbèch a été popularisé par l’illustre disparu.

Dès que la nouvelle du décès a été connue, les fans de Boulo Valcourt se sont rués sur son compte Facebook pour partager leur chagrin. Plusieurs personnalités s’y sont également exprimées.

Un « coup dur » pour le clavieriste et arrangeur Fabrice Rouzier, qui remercie Boulo Valcourt « pour les belles musiques, la voix, l’amitié et les blagues ».

« Quelle belle fête au paradis ! », suppose-t-il, où Boulo Valcourt rejoindrait son idole, le troubadour haïtien Achille Paris, dit Ti Paris (1933 – 1979, Jacmel, Haïti) ainsi que Antoine Rossini Jean-Baptiste, né Emmanuel Jean-Baptiste, mais plus connu sous le nom de Ti Manno (chanteur, 1er juin 1953 aux Gonaïves – 13 mai 1985 à New York), son « ami » Lenor Fortuné, plus connu sous le nom de Azor (tambourineur), les artistes internationaux Antonio Carlos Jobim, Miles Davis, Jimmy Hendrix et beaucoup d’autres.

« What you do in life echoes in eternity ! Merci Boulo Valcourt pour ta générosité, ta bonne humeur et ta musique formidable ! Vas en paix grand frère », écrit, pour sa part, le musicien Raoul Denis Jr.

Pour l’écrivain James Noel, la mort de Boulo Valcourt « est une feinte, comme celle d’Azor ».

« Ta voix éraillée, désinvolte et débraillée est l’une des plus belles justices à la beauté. Ta voix qui rit dans la chanson, aujourd’hui, nous trouve tristes, trop tristes pour dire la perte », se désole-t-il.

« La musique haïtienne vient de perdre une de ses plus belles voix », selon le cinéaste Richard Sénécal, « notre icône de la chanson ! », s’exclame la galeriste Mireille Pérodin Jérôme.

Un parcours musical d’une cinquantaine d’années

Boulo Valcourt a eu une carrière remplie. Il a joué avec des grands noms de la musique d’Haïti et d’ailleurs, dont Réginald Policard, Lenor Fortuné (Azor), Mushi Widmaer, Philippe Laraque, Lionel Benjamin, José Tavernier, Edgar Depestre, Gérald Merceron, Buyu Ambroise, Eddy Prophète, Jocel Alméus, André Déjean, Dadou Pasquet, Émeline Michel et Beethovas Obas.

On a également apprécié ses talents en compagnie d’artistes internationaux comme Ralph Thamar (Martinique) et il a partagé la scène avec Wynton Marsalis (Etats-Unis d’Amérique), apprend-on.

Plus d’une quinzaine de disques jalonnent le parcours musical d’une cinquantaine d’années du musicien, qui avait un penchant particulier pour la musique brésilienne des années 1960 et 1970.

Le dernier disque de Boulo Valcourt, édité en 2016, s’intitule « Au cœur ça fait mal ».

« La souffrance finira par me déchirer en deux », chante-t-il dans cet album, qu’il considère comme une authentique production de son cru, après avoir offert, durant des années, sa collaboration à de nombreux musiciens. [gp apr 18/11/2017 10 :00]

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