Haïti-Cinéma : Depestre ou la chronique d’une « vie éternelle »

Par Roody Edmé*

Spécial pour AlterPresse

Je veux être compris par mon pays
Mais si je ne suis pas compris, eh bien,
Je traverserai ma patrie en passant de côté
Comme une pluie oblique d’été.

Maiakowski

Arnold Antonin continue de visiter des personnalités de notre monde littéraire et artistique, et de nous livrer, plein écran, leur parcours enrichissant et atypique. Dans un pays souvent frappé d’amnésie, où la mémoire laisse la place à une actualité aussi brûlanteque changeante, le réalisateur, têtu, s’attelle à une besogne exigeante et tout aussi exaltante pour le bonheur de ses contemporains et le bien de la postérité.

Un travail de passeur d’images et de mots qui ne manquera pas de combler le fossé qui sépare les générations et d’enrichir ce qui restera de notre patrimoine audiovisuel.

Cette fois, face à la caméra d’Arnold Antonin, René Depestre témoin et grand acteur d’un vingtième siècle de toutes les espérances et aussi des grands pogroms parle à livre ouvert. Une virée dans l’espace et le temps à travers des grands moments d’histoire de la militance et des formes d’engagement dans l’art.

Le XXe siècle nous dit Alain Badiou accomplit les promesses du siècle précédent. Par exemple, la Révolution, celle que les utopistes et les premiers marxistes ont rêvée. Le philosophe s’oppose à l’idée que la barbarie du XXe siècle venait de ce que les acteurs, révolutionnaires ou fascistes acceptaient l’horreur au nom de la promesse. Il pense que c’est l’exaltation du réel jusque dans son horreur qui a fasciné les militants de ce siècle.

Nous découvrirons que Depestre n’est pas fait de ce bois là. Il est resté un éternel rebelle, jurant fidélité qu’à sa rébellion. Certains ont vu en lui un opportuniste, voire un individualiste, pour avoir refusé en maintes occasions la pesanteur et l’enfermement idéologiques au nom du principe de liberté du poème qui « seul peut arracher le siècle à sa prison ». Le « poème a puissance d’arracher le siècle au siècle » dixit Alain Badiou.

Longtemps homme de parti, mais plus souvent en marge, René Depestre se veut libre de ses choix idéologiques et humains. Sa révolution pour parler, comme le Régis Debray des années 60 sera « chlorophylienne », elle puisera, en outre, ses racines dans le magma en fusion de la soufrière ou dans l’univers liquide de la mer de Jacmel.

Voyageur sans bagages, amoureux transi de toutes les libertés, Depestre le bourlingueur aura tout vu, tout fait, tout aimé, tout renié !

Il demeurera fidèle cependant à la notion de libre-arbitre et de responsabilité personnelle si chère à un certain Jn Paul Sartre.

La caméra d’Arnold Antonin met Depestre face à sa propre histoire et face à l’Histoire. Témoin de ce siècle mangeur d’hommes et d’espérances, il ne regrette …..lire la suite sur alterpresse.org

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