Haïti – Politique: Martelly écrit à Privert !

Source HL/ HaïtiLibre

Un peu plus de deux mois après la signature de l’accord politique du 5 février dernier, devant éviter au pays a plonger dans la crise en l’absence d’un Président élu pour prendre la relève le 7 février, comme prévu dans la Constitution, http://www.haitilibre.com/article-16533-haiti-politique-les-details-de-l-accord-de-a-a-z.html l’ancien Président Michel Martelly, partie signataire de cet accord, constate aujourd’hui que « le pays est menacé par une crise plus profonde ». C’est pourquoi dans une lettre adressée au Président a.i. Jocelerme Privert, datée du vendredi 15 avril, il réagit vivement en posant publiquement des questions légitimes dont plus d’un souhaiterait des réponses honnêtes, tout en recommandant patriotiquement au Président provisoire de respecter ses engagements, la loi et la Constitution pour le bien de la Nation.

Lettre de l’ancien Président Martelly au Président Provisoire Privert :

MJM/0416/008

Port-au-Prince, le 15 avril 2016

Son Excellence
Monsieur Jocelerme Privert
Président Provisoire
Palais National

Monsieur le Président Provisoire,

Deux mois après la fin de mon mandat et après avoir négocié et signé avec vous, en votre qualité de Président du Sénat, conjointement avec le Président de la Chambre des Députés, un accord de sortie de crise, le pays est menacé par une crise plus profonde que je voulais éviter.

En effet, en signant cet accord, j’ai voulu éviter au pays une crise politique après le coup du 22 janvier 2016 et contribuer à l’exercice du jeu démocratique; c’est dans cet esprit que j’ai quitté mes fonctions à la date prévue par la Constitution, en m’assurant, comme il a été prévu, que le pouvoir soit transmis, le 14 mai 2016, à un Président légitime, issu d’élections.

Dois-je encore vous rappeler, Monsieur le Président Provisoire, que cet accord a été rédigé par vos soins, suivant vos propres termes et conditions et vous en êtes, par la suite, devenu le principal bénéficiaire, responsable direct de sa mise en œuvre ?

Il est inconcevable qu’après deux présidences à vie consécutive, ayant duré trente ans, le pays ne parvienne, trente ans plus tard, à organiser des élections qui ne fassent l’objet de contestation et qu’il soit toujours utile de se référer à l’arbitrage de la communauté internationale pour trancher. Ce constat choque tant les observateurs nationaux qu’étrangers.

Il est anormal que certains politiciens haïtiens recourent à tous les stratagèmes, du mieux qu’ils peuvent, pour empêcher la tenue d’élections et que l’on offre au monde entier le spectacle navrant qu’eux tous n’étaient motivés que par des intérêts personnels et mesquins. Un grand nombre de ceux qui se sont montrés hostiles à la tenue des élections se sont fait nommer au gouvernement de transition qu’ils veulent convertir en gouvernement définitif, sans recourir à la voie des urnes, en utilisant tous les artifices. La nouvelle donne consiste à séparer à l’amiable, copain-copain, le pouvoir exécutif avec les sénateurs, comme une sorte de butin de guerre que l’on repartit entre des officiers vainqueurs. Le Sénat est rendu quasiment dysfonctionnel aujourd’hui parce qu’aux sénateurs sont offertes des fonctions administratives à titre de récompense – les Sénateurs abandonnant le Parlement pour devenir ministres. Cette approche ne va pas tenir la route, Monsieur le Président provisoire.

Le Gouvernement actuel se donne un agenda étendu voire illimité qui ne correspond nullement à son mandat, circonscrit dans l’accord signé entre vous et moi le 5 février 2016. Cette démarche ne va pas permettre de résoudre la crise, elle va plutôt l’aggraver.

Il est urgent d’engager le processus d’organisation du second tour des élections présidentielles et qu’un gouvernement légitime soit mis en place dans les délais prévus. Il serait raisonnable que l’on cesse d’utiliser des subterfuges pour grignoter quelques mois sur les mandats des élus à des fins inavouables. Le pays ne pourra pas tirer avantage de la répétition de cette situation consistant en cette pratique de vouloir remplacer un gouvernement constitutionnel par un gouvernement provisoire, et le renvoi des élections réglementaires sine die pour laisser un certain temps de gestion à ce gouvernement provisoire. Je voudrais en connaitre la motivation… Une telle situation va continuer à augmenter la précarité et entacher l’image du pays aux yeux de nos partenaires, bien entendu ceux qui n’ont aucun intérêt dans cette situation… C’est la raison principale qui m’a porté à choisir, parmi toutes les options, de signer l’accord du 5 février et partir le 7 février suivant.

Les stratèges de ce gouvernement, qui se croient seuls sur la planète, instaurent la persécution sous toutes ses formes pour parvenir à leurs fins. Leur programme majeur a pour nom la « demartellisation ». Ce programme consiste à humilier mes anciens collaborateurs et paradoxalement, ceux-là même qui m’ont accompagné jusqu’aux derniers jours de mon mandat. Cette manière de faire démontre l’incohérence et l’inconsistance de ces persécutions qui fragilisent la démocratie et anéantissent l’esprit démocratique. Une première tactique a consisté à les accuser de choses auxquelles ils sont complètement étrangers, que personne n’a établi. Quand ils considèrent devoir se défendre, ils sont directement menacés, accusés de contester des déclarations du Président et privés de leur liberté de mouvement. Un Commissaire du Gouvernement, ex-député du peuple, qui n’est pas juge des comptes des fonctionnaires et des Grands commis de l’Etat, commence par établir une liste d’interdiction de départ avant même d’avoir entendu ses victimes ou d’avoir vu les dossiers qui leur seraient imputables.

Je crois en la nécessité de tout administrateur de l’État de rendre compte de sa gestion, cependant si la justice est aveugle, elle ne doit pas se laisser aveugler.

Que la Nation prenne garde et reste vigilante pour que la nécessaire et indispensable lutte contre la corruption ne fournisse l’occasion de commettre des injustices criardes, même au nom de la raison d’État, autrement comme l’avait si bien dit le Président René Préval, dans une situation semblable « peu de citoyens honnêtes, compétents et sérieux accepteront de se mettre au service de leur pays en se persuadant que l’État ne peut être habité que par des malveillants et des médiocres » (sic)

Je n’ai pas signé l’accord du 5 février pour encourager la violation des droits individuels. Combien de fois ne vous est-il pas arrivé, Monsieur le Président provisoire, de vous prononcer dans des domaines qui ne sont pas les vôtres, en déni des prérogatives et responsabilités des institutions légalement constituées. En déclarant par exemple, plus d’une fois, aux membres du PHTK que leur candidat à la Présidence est classé en 5eme position alors que vous n’êtes pas membre du Conseil électoral ! Qui donc comptez-vous classer en première position, Monsieur le Président ?

Je vous invite patriotiquement à vous dépasser et à vous éloigner du chant des sirènes, car les chantres ne connaissent pas la douleur ni les responsabilités d’un président de la République. Eux croient que tout lui est possible. Malheur à un président qui croit qu’il peut tout faire. Le seul recours d’un chef d’État devant ces situations, c’est la loi ; il doit avoir recours en permanence à la loi. Cela m’a évité bien des égarements même s’il m’a laissé des inimitiés au sein de mon propre camp. De toute manière, il y a un choix à faire. Il y a beaucoup de voies. Moi j’ai choisi de voir les choses avec hauteur, sans roublardise. Nous devons laisser le temps des dictatures et des violences politiques derrière nous et renoncer à vouloir contrôler le pouvoir par tous les moyens, au risque de maintenir le pays dans l’indignité et le dénuement de ses citoyens.

Si nous voulons travailler à l’instauration de la démocratie en Haïti, nous devons  lire la suite sur haitilibre.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *