Affaire Dorval : la justice muette, aucun juge en charge du dossier deux ans après l’assassinat du Bâtonnier

Le juge instructeur Loubens Elysée, désigné pour être en charge du dossier, s’est déporté de l’affaire quatre mois après, en février 2022. Le juge Renord Régis a démissionné sans avoir entendu les personnes citées à comparaître telles que l’ex-première dame Martine Moïse, l’ex-président du Sénat de la République Carl Murat Cantave, l’ex-Premier ministre Joseph Jouthe, l’ex-conseiller spécial du président de la République Guichard Doré, Me Reynold Georges et Me Guerby Blaise.

Jointe par téléphone ce lundi, la bâtonnière de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Marie Suzy Legros, dit ignorer les étapes franchies dans ce dossier. Selon elle, il n’y a aucun juge en charge du dossier actuellement.

Au début de l’année 2022, le coffre-fort contenant le dossier de Me Dorval avait été volé au tribunal même. La Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) avait promis au doyen de reconstituer le dossier.

Dans un communiqué publié le 26 août, Avocats sans frontières Canada (ASFC) et le Collectif d’avocat.e.s spécialisé.e.s en litige stratégique de droits humains (CALSDH) appellent à la poursuite et à l’aboutissement de l’enquête sur l’assassinat du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval.

« En deux ans, l’instruction de l’affaire Monferrier Dorval n’a connu aucune avancée significative », fustigent les deux organisations qui déplorent les cas de cambriolage répétés du greffe du tribunal de première instance de Port-au-Prince et son invasion par les gangs armés qui continuent d’affecter l’avancement de l’enquête et le rendement de la justice de manière générale.

« Aujourd’hui, seul un juge d’instruction sur une trentaine est en fonction à Port-au-Prince. L’inaction des autorités étatiques devant ce dysfonctionnement manifeste de l’appareil judiciaire est un mauvais présage pour la lutte contre l’impunité et sape davantage les fondements de l’État de droit en Haïti », déplorent Avocats sans frontières Canada et le Collectif d’avocats spécialisés en litige stratégique de droits humains.

Les deux organisations rappellent par ailleurs que ces deux dernières années, plusieurs autres organisations nationales et internationales ont demandé la création d’une commission d’enquête sur le dossier sous la forme de communiqués, de lettres à l’exécutif et d’une pétition en ligne. « Aucune suite favorable n’a été donnée à ces demandes répétées », se plaignent ASFC et le CALSDH,  réitérant la pertinence de cette demande pour favoriser, à travers l’appui d’experts nationaux et internationaux, l’élucidation de l’assassinat de Me Dorval et de tous les cas de graves violations des droits humains malheureusement perpétrées en Haïti.

« L’impunité fait entrave à l’exercice et la jouissance des droits humains des Haïtiennes et Haïtiens. L’assassinat du bâtonnier Dorval et les multiples massacres enregistrés ces dernières années en Haïti doivent être punis. Le traitement impartial de ces cas emblématiques est crucial pour redonner confiance à la population en leur système de justice », ajoutent ces organisations.

ASFC et le CALSDH disent renouveler leur engagement à continuer d’exiger justice pour le bâtonnier Monferrier Dorval et toutes les autres victimes de l’insécurité grandissante.

Selon Avocats sans frontières Canada et le Collectif d’avocats spécialisés en litige stratégique de droits humains, l’inaction de l’État haïtien dans l’enquête sur l’assassinat du bâtonnier Monferrier Dorval montre un manque d’engagement à combattre l’impunité.

Au mois de septembre 2020, le chef du parquet à l’époque, Me Ducarmel Gabriel, avait confirmé l’interpellation de quatre personnes dont Vilpique Dunès, un proche du pouvoir en place, en lien avec l’exécution du bâtonnier de Port-au-Prince. « Nous avons recueilli des témoignages qui nous ont permis de mettre la main au collet du nommé Vilpique Dunès dans l’après-midi du jeudi 10 septembre 2020, à Delmas 75 », avait indiqué le chef de la poursuite. Cette arrestation, avait-il poursuivi, constitue un pas très important dans le cadre de l’avancement de l’enquête, dans la mesure où nous disposons d’éléments d’informations qui nous permettent de réaliser qu’il serait impliqué dans l’assassinat de Me Monferrier Dorval.

 

 

Source: Le Nouveliste

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