Affaire Moïse : plus de juge d’instruction, l’enquête à l’arrêt

Dans une correspondance envoyée au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) le 2 février 2022 dont Le Nouvelliste a eu copie, le journal constate que le juge Merlan Belabre avait déjà sollicité du CSPJ le renouvellement de son mandat au poste de juge d’instruction. « Honorables Conseillers, En application de la loi sur la Magistrature, j’ai l’honneur de vous informer que mon mandat de Juge d’Instruction arrive à terme le 28 avril 2022 et je souhaiterais être maintenu à ce poste. Je joins à ma demande les pièces de mon dossier », lit-on dans la correspondance avec accusé de réception du CSPJ.

Cependant, des membres du CSPJ contactés par Le Nouvelliste évoquent l’article 15 de la loi de 2007 portant sur le statut des magistrats pour souligner que le magistrat devrait, six mois avant la fin de son mandat, écrire au CSPJ pour en demander le renouvellement de son mandat.

Depuis sa désignation le 4 mars 2022 par le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil, pour enquêter sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, le juge Merlan Belabre n’a jamais pu démarrer son instruction. Dans cette ordonnance envoyée au doyen et au commissaire du gouvernement de la capitale, le magistrat souligne qu’on ne lui a jamais remis physiquement le dossier ni les moyens pour faire son travail.

«  Nous, Merlan BELABRE, Juge et Juge d’instruction au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, étant dans notre chambre d’instruction criminelle sise au Palais de justice, boulevard Harry Truman no 145, assisté de la dame Analia SYLVAIN, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante : Vu l’ordonnance de désignation du juge Merlan BELABRE pour instruire le dossier de l’assassinat du Président, S.E Monsieur Jovenel MOÏSE ; Attendu que l’instruction a pour rôle de préparer le dossier de l’affaire pénale afin de permettre à une juridiction de jugement de posséder  tous les éléments nécessaires au prononcé de sa décision ; Attendu que le juge n’a encore mené aucune information ; Attendu qu’il veille à ce que le Juge d’instruction soit réellement indépendant pour prendre sa décision », lit-on dans l’ordonnance dont Le Nouvelliste a eu copie.

Le juge Merlan Belabre ajoute dans l’ordonnance : « Attendu que le juge ne peut commencer à enquêter puisqu’il ne dispose pas le dossier physique et les moyens lui permettant de procéder à des actes d’instruction ; Attendu que le Magistrat instructeur étant un juge, deux devoirs s’imposent à lui: il doit mener l’information et doit être impartial. »

Le magistrat instructeur évoque la loi du 29 juillet 1979 sur l’appel pénal en son article 7 qui dispose : « Le Juge instructeur saisi d’une affaire a un délai de deux mois pour mener l’instruction et communiquer les pièces de l’information au Ministère Public et un délai d’un mois pour l’émission de l’ordonnance de clôture, ce, sous peine de prise à partie. Le Ministère Public devra, sous peine de prise à partie, conclure dans les cinq (5) jours de la réception des pièces. »

« Faute par le Juge instructeur de pouvoir se conformer au délai imparti, il devra justifier son retard par une ordonnance spéciale à communiquer dans les vingt-quatre heures au Doyen du tribunal civil de la juridiction dont relève ce cabinet. Attendu que le mandat de Juge d’instruction du citoyen Merlan BELABRE arrivera à expiration le vingt-cinq avril deux mille vingt-deux suivant serment prêté le jeudi vingt-cinq avril deux mille dix-neuf », écrit le juge Belabre dans son ordonnance.

« Attendu que les articles 175 et 176 de la Constitution disposent : article 175, les Juges de la Cour de cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumis par le Sénat. Ceux de la cour d’appel et des tribunaux de première instance le sont sur une liste soumise par l’Assemblée départementale concernée, les Juges de Paix sur une liste préparée par les Assemblées communales. Article 176 : La loi règle les conditions exigées pour être juge à tous les degrés, une Ecole de la magistrature est créée », a évoqué le magistrat instructeur.

Le juge Belabre souligne qu’actuellement Haïti ne dispose pas de président de la République effectif et qu’il n’aura pas le temps de boucler son instruction.

« Par ces motifs, conformément à la loi, disons et déclarons qu’il n’y pas lieu quant à présent, pour le Juge d’instruction Merlan BELABRE, d’instruire ce dossier, ordonnons en conséquence la transmission de la présente au Doyen et au Commissaire du gouvernement de ce ressort pour être fait ce que de droit », a décidé le juge dans son ordonnance. Le magistrat instructeur a souligné au journal que cette ordonnance n’est pas un déport.

Il faut souligner que l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse a été déjà confiée à trois juges d’instruction. Il s’agit de Mathieu Chanlatte, Garry Orélien et Chavannes Etienne. Comme une patate chaude, deux de ces trois magistrats instructeurs se sont déportés de l’affaire et le troisième a été écarté par le doyen, en l’occurrence le juge Garry Orélien. Merlan Belabre est le quatrième juge à qui le dossier a été confié le 4 mars 2022.

Le président Jovenel Moïse a été assassiné chez lui le 7 juillet 2021. La justice américaine s’est appropriée le dossier. Plusieurs personnes suspectées dans l’assassinat du président sont actuellement sous les verrous aux États-Unis.

 

 

 

Source: Le Nouveliste

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *